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24 février 2019 7 24 /02 /février /2019 16:09
YSTERIA du 7 au 16 Mars au TnBA BORDEAUX - du 21 Mars au 14 Avril Théâtre de la Tempête - Bordeaux

YSTERIA du 7 au 16 Mars au TnBA BORDEAUX - du 21 Mars au 14 Avril Théâtre de la Tempête - Bordeaux

Texte, mise en scène et scénographie

Gerard Watkins

Lumières de Anne Vaglio

Son François Vatin

Costumes de Lucie Durand

Régie Générale de Fréderic Plou

Avec  Julie Denisse, David Gouhier, Malo Martin, Clémentine Ménard, Yitu Tchang

 

Production du Perdita ensemble (Compagnie conventionnée par le Ministère de la Culture et de la Communication - DRAC Ile de France) - Coproduction Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine - Avec le soutien du Fonds SACD Théâtre, du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques DRAC et Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, d’Arcadi Ile-de-France, de l’Adami et la culture avec la copie privée, de la SPEDIDAM,Résidence de création Théâtre Paris-Villette En Co-Réalisation avec le Théâtre de La Tempête

Administration de production Le petit bureau – Virginie Hammel & Claire Guièze

 

          Quelque part, de nos jours, dans ce qui serait une sorte d’installation médicale, trois médecins-psychiatres, tentent de percer le mystère de deux de leurs patients atteints d’hystérie de conversion.

 

          Ysteria propose une version moderne des fameuses « leçons du Mardi » menées par Charcot à la Salpêtrière, en remettant au gout du jour le dossier Hystérie. Si une maladie détient à elle seule l’interminable histoire du sexisme, c’est certainement l’hystérie. Passant d’une représentation théâtrale de son histoire, à des séances de travail public sur les patients, les tentatives d’interprétations des médecins vont se transformer peu à peu en une sorte de confrontation d’interprétations et de méthodes. À mi-chemin entre le thriller, la comédie de mœurs, et la conférence médicale, Ysteria cherchera en nous une empathie avec les chercheurs, leurs sujets, et leur mystère. Car si cette maladie est une forme de langage du corps, elle est aussi le langage étouffé d’une société, de ses malaises, et de ses non-dits.

         

          Les démonstrations publiques d’Hystérie orchestrées par Charcot à la Salpêtrière ont été l’évènement médicale et artistique le plus marquant de la fin du 19ème siècle. Elles ont servi de socle à l’invention de la psychanalyse, mais ont aussi fasciné les artistes, qui leur ont voué au fil des années un véritable culte. Comme si l’hystérie constituait en elle même l’expression artistique absolue.

 

          Ysteria tentera de la remettre au gout du jour, en rouvrant ce dossier aussi connu qu’incompris pour ausculter ce qu’elle a à nous raconter sur notre époque. Nos deux héros-sujets-cobayes sont des jeunes de 20 ans. Ils connaissant des difficultés, sous formes de troubles physiques et mentaux, à s’adapter au monde des adultes, marché du travail, rapports sexuels, désirs naissants.  Chaque cas va prendre la forme d’une nouvelle, d’une tranche de vie arrachée au tumulte du monde moderne. Il y aura un cadre sérieux et scientifique à leurs évaluations, mais le « phénomène vampirisant et caméléon » de l’hystérie prendra peu à peu le dessus. Il s’agit ici de tenter de balayer les préjugés et les a priori sexistes qui n’ont cessé d’exister sur cette maladie, en la plaçant dans le contexte de sa passionnante évolution historique, mais aussi en nous faisant comprendre ce qu’elle à a nous enseigner sur le trouble, la dualité du genre et de la sexualité.

 

          Du nom qui lui a été donné par les grecs en référence à l’utérus, à l’expression employée pour décrire une femme qui se met à dire des choses sensibles de manière véhémente, on trouve là un véritable florilège de la domination masculine à travers les âges. Mais on trouve aussi, encore aujourd’hui, une remarquable ignorance sur ce que cette maladie est, signifie, et exprime sur la société et les individus qui la constituent. On sait, au mieux, que les grecs demandaient aux femmes atteintes d’hystérie de conversion d’éternuer pour remettre leur utérus en place, que plus tard elles furent assimilées à des sorcières et brulées vives au moyen âge dans une répression qui dura plus de deux siècles, que d’importants travaux et découvertes scientifiques ont été menées par des hommes sur les femmes, concrétisés et développés par Charcot, Breuer et Freud, que des hommes ont enfin pu être classés « hystériques » à l’issue de la première guerre mondiale, que des femmes, aux Etats-Unis, dans les années 50, pour être « soignées » de leurs crises, ont subies des lobotomies. Mais le mystère demeure sur ce que signifie vraiment l’origine du terme, la condition médicale, dite hystérie de conversion. Elle continue aujourd’hui de diviser, fasciner, obséder, chercheurs, scientifiques, médecins, psychiatres, praticiens, infirmiers. Certains disent qu’elle a disparu (elle s’appelle désormais trouble neurologique fonctionnel,) d’autres qu’elle a muté, d’autres qu’elle est encore bien présente.

 

          Ce qui revient sans cesse, et qui mettrait la plus part d’accord, c’est qu’il s’agit là d’un langage du corps, qui s’exprime par symptômes quand la parole ne peut pas ou plus agir. Dans cette forme d’expression douloureuse se devine une forme d’art, d’entonnoir somatique des maux de notre société, de ses souffrances, et de ses non-dits. On serait tenté de théoriser sur le « pourquoi » de la manifeste part féminine, par les violences sexuelles, psychologiques, ou physiques, que la femme a du subir à travers les siècles. Mais il serait absurde de se substituer à une recherche médicale. Il suffit de mettre en lumière des évènements pour que se dévoile ce que cache et révèle ces évènements. C’est bien là l’art du théâtre, et il y a dans le phénomène même de l’hystérie, une des matières théâtrales la plus légitime et fascinante qui soit. Ce que j’ai pu tenter en hiver 2016, avec les élèves de l’Eracm, me l’a confirmé. La recherche de plateau est un lieu magnifique pour apprendre ensemble, partager, et faire vibrer une expérience commune. Augustine, dans ses crises de conversions exhibées publiquement par le professeur Charcot,  signifiait le viol du fils de famille bourgeois qui l’employait. L’hypocrisie d’une société entière s’exprimait alors par le corps. Tout ce que la femme fut obligée de taire en pensant ce silence essentiel à sa survie. Et qu’en est il aussi du corps de l’homme, du refus du féminin ? Que les codes sexistes continuent de lui imposer aujourd’hui. Quelles autres peurs existent aujourd’hui ? J’ai choisi d’explorer ces crises et conversions sur des sujets ayant 20 ans, ceux qui doivent s’inscrire dans une société de plus en plus codifiée, marché du travail, sexualité, amours, logements, devenus véritables parcours du combattant pour les jeunes d’aujourd’hui. Et enfin, j’ai choisi que l’on se penche enfin autant sur la part masculine que féminine.

 

 

 

 

            Méthode

 

 

          Affronter un mystère prend du temps. Parce que si il s’agit bien de tenter d’instruire, de partager, de rendre accessible un sujet peu abordé, mystérieux aux profanes que nous sommes, et qui a su, en tant que mystère, se transformer au fil du temps, il est important de trouver le moyen d’en faire théâtre, et comprendre à quel point il est en lui-même théâtre. Un terreau pour y développer la complexité de l’être humain et de son mystère de manière empathique, et si possible cathartique

         

          J’ai pu développer une méthode au fil du temps qui semble « nous » convenir, c’est à dire à l’auteur, au metteur en scène que je suis, et aux acteurs.trices qui m’accompagnent. Elle nous permet cette approche, et elle prend du temps.

 

 

Origines

 

          La première approche a eu lieu dans un contexte de recherche et de transmission. En Janvier 2016,  pendant cinq semaines, avec le groupe 24 de l’ERACM, nous avons lancé et exploré toutes les pistes possibles. De l’hystérie collective de Loudun, aux expériences de Charcot à la Salpêtrière  Nous documentant dans le livre de Didier Georges Hubermann, et ceux de Freud et Breuer. Explorant par improvisations les possibilités scéniques. C’était passionnant, mais il nous manquait encore cruellement de précisions et de justesse quand à la définition même du mot. Comme si l’histoire, le fait que nous étudions le sujet dans un contexte historique, nous le rendait flou. Développait des contextes de jeu et des résonnances sociales passionnantes, mais demeurait opaque quand à la science exacte du mot. J’eu l’idée alors de faire venir une professionnelle, médecin pédopsychiatre de l’hôpital Necker, à Paris, experte en la matière, Lisa Ouss-Ryngaert. Cette master class a été passionnante, éclairante, et inspirante, et a servi de base et d’élan à nos travaux. Lisa Ouss-Ryngaert avait su nous rassurer sur le caractère inexact et multiple de la science médicale, mais surtout avait ouvert notre imagination de manière compassionnelle, en nous décrivant des malades d’aujourd’hui, dans un contexte qui était le notre. C’est une des premières questions qu’on me pose, quand je parle du projet. Ca existe encore ? Comme si l’hystérie avait été irrémédiablement liée aux « leçons du mardi » à la Salpêtrière. Lisa Ouss-Ryngaert avait aussi su décrire le mystère, ce qui restait pour nous tous un mystère. Elle nous avait fait part du peu d’empathie que suscitaient les malades de conversions hystériques dans les milieux hospitaliers, avec du personnel très inconfortable à l’idée de s’occuper de patients atteints de paralysie qui pouvaient parfois se lever pour aller aux toilettes. Dans les milieux familiaux autant que hospitalier, l’hystérique rend tout le monde impatient et irascible. Et suspect. Car l’hystérie  se transforme, aussi, joue au chat et à la souris à celui qui veut le traquer et le définir. Cette notion a tout de suite rendu le patient théâtralement désirable, et les élèves se sont empressés d’improviser, de trouver leurs malades.

 

Car cette notion de croyance est profondément liée à l’art de la scène.

 

 

Développement

 

          Ce n’est pas non plus un hasard si, en travaillant sur le Petit Eyolf, et Hedda Gabler, Henrik Ibsen m’a mené à cette recherche. J’ai toujours aimé sa définition de l’écriture. Connaitre un personnage au plus profond de son âme, le saisir par le col, et ne pas le lâcher jusqu’à ce qu’il ait été au bout de sa destinée. Dans mon processus, je cherche à faire pareil avec un sujet. Je l’absorbe entièrement. Je cherche ce qu’il a à me raconter. Pour cela, je passe par une phase passive de lecture, où je lis à peu près tout ce qui a pu être écrit sur le sujet. Ensuite je rencontre des spécialistes, des professionnels, avec lesquels je garde le contact tout au long de la création. Mais pour que le sujet puisse réellement éclore, rester vivant, s’incarner, j’ai besoin de partager ce processus avec les acteurs.

 

 

Travail de plateau.

 

          Commence alors la phase du travail de plateau. De l’ancrage de la fiction. Cinq acteurs.trices, ceux du spectacle, ont travaillé avec moi pendant cinq semaines en été 2018 en résidence au Théâtre de la Tempête. Cette phase d’ancrage par l’improvisation nous a permis de trouver les individus qui vont peupler le plateau. Qui sont ces médecins ? Qui sont ces patients ? Pour les patients, deux élèves de l’Eracm de la première aventure, Malo Martin, et Yitu Tchang, ont creusé leur intuition première. L’histoire que nous avions trouvé ensemble à depuis muri en nous, et j’y ai puisé l’axe principale de cette écriture, celui qui véhicule notre rapport au présent et à notre société. Car l’hystérie et sa marginalisation me semblent un axe idéal pour parler de la difficulté des jeunes aujourd’hui à s’inscrire dans une société totalement codifiée par le marché du travail et l’identité sexuelle. Ce qui fut vécu pendant les trente glorieuses comme un chant d’ouverture, de recherche, et de tolérance, s’est peu a peu rigidifié et tendu dans un désir artificiel de réussite. Cette tension est l’environnement, le « facteur favorisant » de leurs symptômes de conversions.  J’y ai aussi trouvé une résonnance personnelle, une matière secrète à rêver.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Biographie des médecins

 

          Les médecins ont été détaillés avec autant d’intention, et on a pu creuser ensemble une sorte de guerre des sexes contemporaine se menant à travers l’interrogation de la psychanalyse. S’y affrontent alors une sorte d’ex freudien repenti (David Gouhier), une Yungiene (Julie Denisse) directrice du centre, tentant de ranimer le champs du rêve comme thérapie transitoire, et une jeune et brillante thérapeute, (Clémentine Ménard) adepte de la l’hypnose et du cognitif comportementale. Cette identification des médecins est essentielle, car le sujet hystérique va les pousser au plus loin de leurs contradictions.

           

 

Biographies des internes.

 

          La mémoire des jeunes atteints de conversions que nous avons choisi d’approfondir est un puits sans fond, une source inépuisable de jeu de miroir tendu à la société.

 

 

          Anaïs, (Yitu Tchang), a été adoptée dans un milieu bourgeois et catholique Parisien. Ses parents biologiques se sont enfuit du Cambodge sur un bateau et ont sans doute laissés leurs vies dans la traversée. Anaïs est sur le point de se marier, et l’approche du mariage a aggravé les symptômes qu’elle a toujours eus. Une cécité partielle et intermittente, une forme d’écume qui lui coule de la bouche, et la paralysie de sa main gauche, viennent aggraver ses crises hypnoïdes. Ses études en pâtissent et elle s’apprête a renoncer à une carrière d’architecte pour devenir femme au foyer.

 

          Arthur, (Malo Martin) a été déscolarisé, et travaille comme pizzaiolo à Pizza del Arte. Son dos est en proie à des convulsions noueuses, et la paralysie de son bras gauche lui empêche désormais de pratiquer son métier, mais surtout, il est victime de crises spasmodiques hypnoïdes chroniques, à raison de deux ou trois par jours. Il vit encore avec sa mère, qui veut le mettre à la porte, et il n’a plus d’autres choix que de se faire hospitaliser. Il erre de service en services, certains préférant le voir en hôpital, d’autres en internat psychiatrique. Il parle tout le temps de son frère, qu’on n’arrive ni à retrouver, ni à identifier. Il parle souvent d’un moment où il est parti avec lui dans la forêt, où ils ont campés prêt d’un groupe de « guides » de France. Et s’est retrouvé avec lui et des jeunes filles autour d’un feu de camp.

 

 

 

 

Forme

 

 

 

Le public serait bien dans l’embarras si on ne lui donnait pas des clefs, un terrain commun. Cela fait partie de la mission du théâtre de creuser une pensée et une expérience individuelle et personnelle au sein d’une connaissance commune. Comme la plus part des gens sont ignorants de l’hystérie, (et que nous sommes passés par là !), il m’a paru pertinent que les le spectacle contienne une sorte de débriefe théâtrale qui nous en livre les clefs fondamentales, pour nous aider à chercher ensemble, et surtout, à entendre les patients dans leur détresse. Ce débriefe interrogera ainsi le quatrième mur, car nous passerons de scènes dites publiques a des scènes dites privée a des scènes dite historiques, éclatant ainsi la notion de temporalité linéaire. En cela la forme empruntera ludiquement des aspects hystériques.

 

La scénographie est simple, une dizaine de banquettes, avec un dessus en velours rouge, délimitera les différents espaces. Bref rappel au divan analytique, mais aussi au fauteuil de théâtre. Derrière trois panneaux, avec des entrées sans portes, signifiants les divers « antichambres » et passerelles. Le traitement sonore et la composition musicale évoqueront celles utilisées pour l’hypnose, mais aussi, celle de l’électrothérapie, de l’hydrothérapie,  et enfin, l’usage de la bande magnétique.

 

De l’hystérie la médecine a tout dit : elle est multiple, elle est une, mais aussi elle n’est rien ; c’est un être ou bien une dysfonction ou encore un leurre ; elle est vraie, mensongère ; c’est organique ou peut-être mental ; ça existe, ça n’existe pas.

 

Gérard Wajeman, Le Maître et l’Hystérique,

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Contenu

 

 

 

 

 

 

Le Théâtre de l’Hystérie  / Temps anciens

 

De temps en temps, le « centre médical » sera interrompu par des séquences dites historiques. Pour avoir une chance de comprendre et de transcender ce qu’elle a à nous raconter sur notre époque trouble, il est bon de suivre comme un fil révélateur son incroyable évolution à travers les siècles.

 

Ile de KOS - 365 ans av

« Des bruits d’orage. Des éclairs. Un berger erre dans la Grèce antique avec sa femme, atteinte de conversions Hystérique. Il cherche Asclépios, dans l’espoir que celui-ci guérisse sa femme. Le couple rencontre Parthemus, qui leur apprend que Asclépios a rejoint les olympes, et qu’il y a désormais des temples à sa gloire, ou des prêtres officient en communion avec lui. Ils se  mettent d’accord sur un nombre de moutons à payer en échange de sa guérison, et Liberios, le prêtre ; la fait s’allonger sur un divan ou elle est visitée par Asclépios, muni de son bâton, et de serpents. Après une nuit bien tourmentée et remplie d’hallucinations, la Bergère guérit.

 

Mora - Suède - 1639 - Dans la forêt.

 

« En Suède, en l’an 1660 ; Bette, jeune fille, aveugle, atteinte de conversions hystériques, rencontre Hilde dans la forêt, pour se soigner avec des plantes.  Elle est dénoncé comme sorcière par deux prétendants du village. L’un d’entre eux l’accuse d’avoir diminuer son sexe. Les deux juges la mettront à la question, à l’aide du « Marteau des Sorcières »

 

Londres  - 1660

 

« En Angleterre, Thomas Gordon et Sydenham échangent leurs points de vue sur le cas d’un hypochondriaque, et le cas d’une hystérique. Ils évoquent leurs métamorphoses intérieures. Ils réfutent la théorie Utérine pour placer la cause dans le cerveau. Ils en profitent pour parler de leur sujet préféré, la cause de la mélancolie. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Théâtre de l’Hystérie / Temps modernes

 

                                                                              

       La deuxième partie du spectacle ; l’étude des cas Anaïs et Yaël nous plongera de facto dans l’histoire moderne de l’Hystérie, et toutes les questions qu’elle comporte. Autant dans son développement personnelle et intime au vu des deux cas présentés, que dans la folie contemporaine à vouloir cataloguer et classer dans de nouvelles cases le mystère humain.

 

       Après être passé de symptômes de conversions à des symptômes neurologiques, et à des troubles somatoformes, l’Hystérie, dans sa terminologie, continue aujourd’hui son jeu d’apparition, disparition, et de mutation. Sa disparition brutale date de 1980. A la fois saluée pour se débarrasser enfin de son étymologie sexiste, elle a aussi fait paraître des craintes d’une volonté de voir disparaître son analyse freudienne. Commence alors un long chemin vers le comportementalisme, que l’on a vu éclore aux USA et rejoindre peu à peu le vieux continent.  Dans le DSM 5, qui est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, qui en est donc à se cinquième version, les troubles somatoformes ont été remplacé par une nouvelle catégorie controversée, les « troubles de symptômes somatiques », qui ne recouvrent pas le concept d'hystérie dans la mesure où elles s'attachent exclusivement à décrire des symptômes visibles et appréhendables sans présupposé de sous-bassement psychologique intrapsychique. Ce que l’on ne comprend pas, ni ne maitrise, est ainsi ballotté d’un service à l’autre.  De nouveaux troubles apparaissent, tels que le trouble de la communication sociale (pragmatique), le trouble disruptif avec régulation émotionnelle, le sevrage du cannabis, les accès hyperphagiques, le sevrage de la caféine, la thésaurisation pathologique, la dermatillomanie, qui résiste décidemment à mon correcteur d’orthographe, le jeu d’argent pathologique, et le fameux trouble oppositionnel avec provocation. En passant de 130 à 357 maladies, on est aussi en droit de se demander si le nombres de cas n’augmenteraient pas tout simplement avec celui des définitions.

 

       Comme le soulignait le Washington Post, Mozart aurait été immédiatement diagnostiqué et soigné pour devenir quelqu’un de normal.

 

       Il y a évidemment la tentation de revoir naître aussi ce que l’on ressent souvent en regardant défiler les actualités, le retour de l’hystérie collective.

Les médias modernes ont amené, par la dramatisation et la répétition inlassable des mêmes informations, une multiplication sans précédent d’épidémies hystériques, alors qu’autrefois, elles étaient limitées à des collectivités réduites (couvents, salles de classe ou d’hôpital) (Showalter, 1998). Aujourd’hui, des manifestations semblables touchent simultanément plusieurs continents. Ces transmissions épidémiques fréquentes, même si elles ne sont pas nécessairement de grande gravité, relativisent les illusions messianiques portées sur Internet qui, telle une caisse de résonnance, fonctionne au moins ici autant comme un vecteur et un instrument d’amplification de peurs, de fantasmes, de projection et d’angoisses les plus archaïques que comme outil de diffusion des connaissances. La multiplication des syndromes médicaux inexpliqués en est l’un des indices. Dans ce contexte, il est vraisemblable que nous serons les témoins obligés, les prochaines années, d’expressions hystériques d’intensités jamais rencontrées auparavant.

 

Samuel Lepastier.

 

 

 

 

 

 

 

 

        Avant d’être soupçonné d’être atteint de trouble de personnalité  paranoïaque, on serait en droit de se poser cette question, quel monde nous prépare t on ? Il y a t il une pensée derrière tout ça ?

 

        Pour revenir à Anaïs et Yaël, il est évident que nous allons laisser libre cours à la poétique et à l’imaginaire. Il est hors de question, comme je l’ai précisé au début, de se substituer à une recherche médicale. La documentation servira à faire travailler notre inconscient, notre imaginaire, pour écouter ce qu’elle a à nous dire. Voir et ressentir qu’elle a à nous exprimer. A nous proposer comme somme de résistance. Comme spectacle de désir d’ailleurs. Et de nous le dire avec le seul médium qu’il n’a jamais eu. Le corps.

 

        C’est bien la force du théâtre que de permettre de transcender un sujet, de s’en échapper. L’hystérie nous échappe. Comme, parfois, il nous semble, dansnos vies, notre place et la place de l’autre dans le monde moderne.

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22 novembre 2017 3 22 /11 /novembre /2017 10:00
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10 août 2017 4 10 /08 /août /2017 09:28

        A P O C A L Y P S E   S E L O N  S T A V R O S

Texte et mise en scène de Gérard Watkins

 

 

Avec Maxime Léveque

Lumières de Julie Bardin

Administration de production Silvia Mammano

11 au 30 Septembre 2017 - 20h

Théâtre de l’Épée de Bois - Paris

7 au 11 Mars 2018 - Théâtre Le Colombier – Bagnolet

Production - Perdita Ensemble.

Le Perdita Ensemble est conventionné par la DRAC Ile-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication - Avec le soutien de RAVIV dans le cadre de partage d ‘espaces de répétition. En Coréalisation avec le théâtre de l’Épée de Bois.

 

Contact

Le petit bureau / Virginie Hammel & Claire Guièze

Virginie Hammel : 06 13 66 21 33 / virginiehammel@me.com

Claire Guieze 06 82 34 60 90 / claire.guieze@orange.fr

 

 

 

 

 

Le monde est un et commun, mais lorsqu'il sombre dans le sommeil,

ils se tournent chacun vers le sien propre.

 

Héraclite

 

 

Apocalypse selon Stavros est né d’une intuition.  De partir avec Maxime Lévèque sur les traces de l’Apocalypse de Jean de Patmos, et de l’essai critique posthume de DH Lawrence, pour interroger ce que cette œuvre révèle sur une partie du monde occidental appelée Europe. 12 jours d’immersions et d’improvisations en totale liberté pour chercher à l’endroit même ou le poème sanglant et terrifiant fut créé, son antidote, pour débarrasser l’homme de l’idée de la fin, de la sélection, de la punition et du jugement. Car Stavros voit, comme le décrit Deleuze dans son introduction du livre de Lawrence, que l’apocalypse n’est ni joué par Donald Trump dans le rôle de l’Antéchrist, ni inscrit dans le désastre écologique de la planète qui mène à la fin du règne humain, mais bien dans l’organisation du monde telle qu’elle existe déjà, avec ses frontières, ses iniquités, ses armées, son système éducatif, ses chars Titus, ses dettes, ses plans d’austérités, ses médias. De son effroi, Stavros assistera à son apocalypse, c’est à dire à sa révélation, renouveau de son être, et de ses possibles relations avec l’autre. Stavros a un objectif. Interroger l’Apocalypse. Qui définit la pensée Européenne depuis des siècles. User de la même force visionnaire pour exposer ce qu’elle est, et non ce qu’elle raconte sur le désir de certains de s’en sortir quand d’autres périssent. De démanteler par une poétique le projet économique,  sociétal et culturel, là, ou Lawrence tentait de démanteler le christianisme.  Il y à la extension du domaine de la lutte envers les manipulations de la peur, ses outils, sa fabrique mondiale. Stavros, en un contre-poème épique, va jouer sans cesse avec le contenant et le contenu

 

L’apocalypse, c’est l’homme qui fini par sortir dans le jardin pour choisir la branche avec laquelle il va se flageller.

L’Apocalypse, c’est le mur.

L’apocalypse, c’est ce qui fiche et fige les êtres.

L’art de l’apocalypse n’est pas l’art de la prophétie effrayante.

L’art de l’apocalypse est l’art d’en révéler la présence dans le geste enfermant du jeu de la société moderne avec la peur.

L’art de l’apocalypse consiste à faire comprendre que nous sommes en plein dedans.

L’art de l’apocalypse est le jeu des images qui libère de la peur.

        

 

Apocalypse selon Stavros est tout sauf un essai religieux. La seule religion que l’on y trouve est dans l’idée que la poétique et sa plus sincère expression sont une religion en soi.  Il s’agit d’un essai sur l’homme et sa manière de voir, ses visions, ses interprétations, sa difficulté à se débarrasser des fictions imposées, ses peurs, ses angoisses, et ses manières de les vaincre ou d’y succomber. D’un essai sur l’artiste et ses contradictions. Ses tentatives et ses difficultés à se faire comprendre. Sur le monde tel qu’il a été verrouillé, dans ses structures, son urbanisme, ses institutions, ses lois.
Dans notre méthode de travail, nous avons pris soin d’absorber le plus possible le travail de pensée, de recherches, de lectures avant de se lancer dans la fabrique du poème. Car le poème doit évidemment le contenir organiquement et ne pas l’expliquer. Il ne s’agit pas d’un pensum mais d’une fabrication fictive et poétique libre. Il conviendra au spectateur d’avoir le plaisir ou non d’y déceler ce qu’il exprime politiquement sur le monde. D’en déceler la force de vie et la qualité de ses contradictions. Nous avons cartographié différents espaces sur l'Ile de Patmos. Collines, clairières, monastères, baies, friches, pour construire, en improvisant, les bases du récit, et la structure affective et imaginaire de Stavros. Ce travail sur le vertige et la mise en abîme a été filmé, et ensuite écrit.

Écrire une performance, c’est inscrire, dans la dramaturgie du récit, la pertinence de cette forme, participation du publique, expérience partagée, usage du temps, du silence, de la recherche, du fragile, de la rupture narrative et temporelle. C’est donner une identité profonde au performeur, et déjouer la construction habituellement linéaire d’un monologue, par une construction rythmique, musicale, et un jeu constant entre l’illusion et la réalité.

 


« L’apocalypse, ce n’est pas le camp de concentration, (Antéchrist), c’est la grande sécurité militaire, policière, et civile de l’état nouveau (Jérusalem Céleste). La modernité de l’apocalypse n’est pas dans les catastrophes annoncées, mais dans l’auto-glorification programmée, l’institution de gloire de la Nouvelle Jerusalem, l’instauration démente d’un pouvoir ultime, judiciaire, et moral. Terreur architecturale de la Nouvelle Jerusalem, avec sa muraille, sa grande rue de verre, « et la ville n’a besoin ni du soleil ni de laune pour l’éclairer » et il n’y rentera rien de souillé, mais ceux là seuls qui sont inscrits dans le livre de l’agneau. »  

Gilles Deleuze dans son introduction de « Apocalypse » de DH Laurence.

A Calais, aujourd’hui, ce ne sont pas des aides humanitaires qui sont envoyés, mais des policiers supplémentaires, pour s’assurer qu’une nouvelle Jungle ne s’y construise pas.  Sur les côtes Libyennes, un jeu se tend entre les associations secouristes maritimes et les autorités frontalières.

 

C’est l’Apocalypse dont parle Deleuze.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ORIGINE

 

 

En Janvier 2012, pendant une grande vague de froid, le groupe 20 de l’École Régionale d’Acteurs de Cannes partait au quatre coins de l’Europe pour tenter d’en sonder l’identité, et y débusquer les utopies naissantes. De Riga à Athènes, d’Amsterdam à Stockholm, de Gdansk à Bucarest et à Hambourg, des binômes sont restés trois semaines en immersion et sont revenus avec un matériel délirant qui a constitué leur spectacle de sortie, Europia - Fable Géopoétique. Cinq ans plus tard, quelques mois après le Brexit ; que reste t il de ce travail ? De cet élan complexe et multiple. Il y a dans ce projet le désir d’ouvrir à nouveau les pages de ce livre, et d’en chercher une extension poétique, comme la queue d’une comète. Et de jouer avec l’Europe comme le ferait un fou Shakespearien. Fiévreusement. Par métaphores, épiphanies, images, convocations de nos peurs et de nos interrogations. L’Europe a peur. De nouveau. De l’intérieur. Grippé au ventre. La peur en Europe est une maladie infecte et contagieuse. “Nothing to fear but fear itself”, comme disait Roosevelt en 1933. On s’y répand avec une complaisance inouïe. C’est là, maintenant, mais ça a toujours été là. Épidémie de Peste. Invasions. Guerres civiles. Frontalières. Pestes brunes. Peur de quoi? Peur de perdre sa place. Peur de sombrer dans le chaos. Peur d’invasions religieuses ou économiques. Peur de ne plus jamais connaître le plein emploi. Peur de se retrouver à la rue. De perdre son identité. Sa cuisine. Sa religion. Son athéisme. Ses mœurs et coutumes. Et revient cette image d’un continent qui coule et d’être la dernière surface à avoir la tête hors de l’eau. Image de murs aussi comme celui qui se dresse entre les États-Unis et le Mexique, ou des kilomètres de barbelés à la frontière Hongroise. Cette grande aventure européenne, mystérieuse, profonde, multiple, génératrice d’autant de beauté que d’horreur, a t elle encore un avenir tant qu’elle n’en finit pas avec sa peur ? Et si la peur s’exprimait de manière plus exutoire que par des murs et des barbelés ? Si elle reprenait sa poétique en main? C’est là qu’intervient Stavros. Que se réveille enfin Stavros. Qui dormait profondément, comme à son habitude, qui hibernait, pour se remettre de son dernier traumatisme en date, et reprendre des forces pour jouter de nouveau avec la poétique et la confrontation.

 

Gérard Watkins

 

 

 

 

 

 

 

 

« L´Apocalypse annonce un âge futur de la politique au cours duquel les faibles, dans leur désir de vengeance, prendront le pouvoir après avoir dévasté la Terre. Prophétique à certains endroits, Lawrence évoque les conséquences d´une politique collective qui promeut la peur et la faiblesse individuelle : " La chose la plus dangereuse au monde est de montrer à l´homme sa propre misère comme inhérente à sa condition. Il en est abattu, il en devient misérable. (…) Ainsi en est-il de nos jours. La société se compose d´une masse d´individus faibles qui, du fond de leur peur, tentent de se protéger contre tous les maux imaginaires possibles et qui, évidemment, par leur peur même, font naître ces maux ".

Apocalypse s´achève sur un tableau de la société moderne, envisagée comme le résultat de deux mille ans de christianisme et de prophétisme apocalyptique. C´est la " Nouvelle Jérusalem ", la prise du pouvoir par les humbles ou " pseudo-humbles ". " Puis je vis des trônes : ceux qui étaient assis dessus reçurent le pouvoir de juger ", lit-on dans l´Apocalypse. Le livre de Lawrence préfigure les réflexions futuristes de Virilio (notamment L´insécurité du territoire).

 

L Margentin à propos de Apocalypse De DH Lawrence

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Perdita Ensemble est réuni autour de l’écriture de Gérard Watkins. Réunis par un profond désir de tendre un miroir à notre époque, de proposer à ses acteurs/spectateurs/habitants une réflexion riche, complexe, et accessible, sur les profondes mutations qui s’y manifestent.

Cette aventure théâtrale a traversé deux décennies, cherchant, par des résonnances de thèmes, par des lieux de représentations inédits, à chercher le spectateur sur des terrains inconnus. Particulièrement destinée à ceux qui ressentent que le monde les prend de vitesse, les exclut, les perd, et que les thèmes abordés par le théâtre ne les concernent plus, le Perdita Ensemble s’est donné pour but de toucher le spectateur d’aujourd’hui afin qu’il ressente plus que jamais la nécessité et le besoin de la représentation en y trouvant un écho, une prolongation, à ses pensées et interrogations.

Affronter cette époque trouble et insaisissable, c’est reconnaître pour l’artiste un devoir de pensée, un devoir de mémoire, un devoir d’imagination, et un devoir d’échange, afin de rompre avec la solitude et l’isolement.

Faire de la grande histoire et de la petite histoire une fable, et, de la fable, tendre un fil entre l’acteur, le personnage, et le spectateur.

Après Identité, Lost Replay, Je Ne Me Souviens Plus Très Bien, et Scènes de Violences Conjugales, le Perdita Ensemble s’affronte aujourd’hui à l’orchestration de la peur de l’apocalypse en Europe aujourd’hui.

Apocalypse Selon Stavros est la douzième création du Perdita Ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gerard Watkins est né à Londres en 1965. Il grandit en Norvège, aux USA et s’installe en France en 1974. Il écrit sa première chanson en 1980, et sa première pièce un an plus tard. Depuis il alterne entre acteur, auteur, metteur en scène, et musicien. Il travaille au théâtre avec Véronique Bellegarde, Julie Beres, Jean-Claude Buchard, Elizabeth Chailloux, Michel Didym, André Engel, Frederic Fisbach, Marc François, Daniel Jeanneteau, Philipe Lanton, Jean-Louis Martinelli, Lars Noren, Claude Régy, Yann Ritsema, Bernard Sobel,  Viviane Theophilides, Guillaume Vincent, et Jean-Pierre Vincent, et au cinéma avec Julie Lopez Curval, Jérome Salle, Yann Samuel, Julian Schnabel, Hugo Santiago, et Peter Watkins. Depuis 1994, il met en scène tous ses textes, La Capitale Secrète, Suivez-Moi, Dans la Forêt Lointaine, Icône, La Tour, Identité, Lost (Replay), Je ne me Souviens Plus Très Bien, navigant de théâtres en lieux insolites, du Théâtre de Gennevilliers à l’Echangeur, du Théâtre Gérard Philipe de St-Denis, au Colombier, de la Ferme du Buisson, à la piscine municipale de St-Ouen, de la comète 347 au Théâtre de la Bastille au théâtre de la Tempête. . Il est lauréat de la fondation Beaumarchais, et de la Villa Medicis Hors-les-Murs, pour un projet sur l’Europe, qu’il portera à la scène avec les élèves de l’ERAC Europia / fable géo-poétique pour Marseille Provence 2013, repris à Avignon In au Cloitre Saint Louis et à Reims Scènes d'Europe. Il vient juste de présenter sa dernière création création, “Scenes de Violences Conjugales”.

Il est lauréat du Grand Prix de Littérature Dramatique 2010, et a été nominé aux Molières 2017, catégorie meilleur auteur francophone vivant.

Il vient de recevoir le prix du syndicat de la critique Meilleur Comédien 2017 pour “Songes et Metamorphoses, mise en scène de Guillaume Vincent.

Il vient également de sortir son premier album, Celebration.

 

 

 

 

 

 

Maxime Léveque

Après des études en Lettres classique au Lycée Lakanal et l’obtention de licences en philosophie et en art du spectacle, il se forme comme acteur à L’ERAC, où il travaille notamment avec G. Watkins, L. Lagarde, Hubert Colas et Catherine Germain. Il travaille ensuite sous la direction de Nadia Vonderheyden (La fausse suivante), François Cervantes (L’épopée du Grand Nord), Gérard Watkins (Scènes de violence conjugale), Bertrand Cauchois (Terre de colère). Il est aussi performeur pour Polis d’Arnaud Troalic, et écrit (Manger l’Aurore, coécrit avec L. Dupuis, Lève toi et resplendis, dirigé par M Bordier, ainsi que la pierre avec No. Peterschmitt)

 

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 18:47

LE PERDITA ENSEMBLE PRÉSENTE

SCÈNES DE VIOLENCES CONJUGALES

Écriture mise en scène scénographie

GÉRARD WATKINS

Lumières

ANNE VAGLIO

Régie Générale

FRANK LEZERVANT

Administration de Production

SILVIA MAMMANO

Avec

HAYET DARWICH, JULIE DENISSE, DAVID GOUHIER, MAXIME LÉVÊQUE, YUKO OSHIMA

CRÉATION 2016/2017

Palais des fêtes, 48 Avenue Paul Vaillant Couturier, Romainville - 19 Mai 2016 - 20 heures

Gymnase Colette Besson 76 Avenue de Verdun Romainville - 21 Mai 2016 - 20 heures

Théâtre le Colombier / Bagnolet- 6 - 8 Juin 2016 à 20 heures, 7 Juin à 19 heures.

Théâtre de la Tempête / Cartoucherie de Vincennes 11 Novembre au 11 Décembre 2016

TNBA Bordeaux. 7 au 11 février 2017

Espace 1789 le 10 Mars 2017

production déléguée Perdita Ensemble / coproduction Espace 1789 (Saint Ouen)| avec le soutien du Fonds SACD - La culture avec la copie privée, du Fonds d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques - DRAC et Région Provence Alpes Côte d’Azur, d’Arcadi Ile-de-France | avec le soutien en résidence de création de la Ville de Romainville, de l'ADAMI et la "culture avec la copie privée", avec l'aide à la création dramatique - dramaturgies plurielles - du Centre National du Théâtre, et le soutien du Centre National du Livre.

Le Perdita Ensemble est conventionné par la DRAC Ile-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication

Remerciements à Yann Richard et au Théâtre Le Colombier - Bagnolet

SCENES DE VIOLENCES CONJUGALES
SCENES DE VIOLENCES CONJUGALES
SCENES DE VIOLENCES CONJUGALES
SCENES DE VIOLENCES CONJUGALES
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29 décembre 2014 1 29 /12 /décembre /2014 13:54
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17 août 2014 7 17 /08 /août /2014 19:14

je ne me souviens plus très bien

le temps et l'oubli

la science de l'oubli

Entretien avec Pierre Notte

article de Laurène Fardeau sur la mémoire et l'histoire

sur la direction d'acteur

 

 

 

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Je ne me souviens plus très bien

 

au Théâtre du Rond-Point

 

 

du 9 septembre au 5 octobre, 20h30

dimanche 15h30

relâche les lundis et dimanche 14 septembre 

 

texte, musique et mise en scène

 Gérard Watkins

 

 avec

Géraldine Martineau, Philippe Morier-Genoud, Fabien Orcier

 

scénographie et lumière Michel Gueldry

 

collaboration artistique Yann Richard assisté de Laurène Fardeau


collaboration au son François Vatin


costumes Gérard Watkins, Laurène Fardeau


administration production Silvia Mammano 

 

production de Perdita Ensemble

coproduction Théâtre Garonne (Toulouse)


avec le soutien du Fond d’Insertion pour Jeunes Artistes Dramatiques, D.R.A.C. et Région Provence - Alpes - Côte d’Azur
avec le soutien du Théâtre Nanterre-Amandiers
Le Perdita Ensemble est conventionné par la DRAC Île-de-France - Ministère de la Culture et de la Communication

 

  

Le temps et l’oubli

 

Didier Forbach

Tu t'appelles comment ?

Antoine D

Antoine.

Didier Forbach

Comment tu sais ?

 

Antoine D a 96 ans, et ne se souvient plus de son nom de famille. Il sait qu'il est historien. Il se souvient de tous les événements de l'Histoire avec un grand H, mais de son histoire, il ne se souvient plus très bien. Il se retrouve en pyjama dans un espace indéfini. Ses hôtes, Didier Forbach et Céline Brest, le mettent soigneusement à la question. Didier et Céline expérimentent, et de méthode en méthode, creusent l’identité de leur hôte au scalpel. Le doute s’installe sur leurs identités et intentions mutuelles. Sont-ils médecins, policiers, chercheurs, analystes ? Veulent-ils l’aider à retrouver sa mémoire, ou l'effacer pour rendre son esprit plus disponible ? Et lui, fait-il semblant ? Une question plus vitale finit par prendre toute la place. Qui sont-ils vraiment les uns pour les autres ?

 

Je ne me souviens plus très bienest un rituel, un mystère, une mise en vertige de notre lien aux autres et au temps. Empruntant des allures d’un procès Kafkaïen, d’une enquête métaphysique, un règlement de comptes sans merci entre trois êtres liés par l’oubli, trois générations, trois époques qui se déclarent, se déploient et se délitent. On ne saura qu’à la fin les véritables enjeux de ce jeu de questions-réponses, de cet interrogatoire au carrefour de la psychanalyse et de la garde-à-vue. On comprendra enfin pourquoi cette intrigue familiale a pris autant de masques et de subterfuges pour se matérialiser.

 

Travailler ici sur une forme d’amnésie volontaire m’a permis de tirer le lien entre le personnage et la dramaturgie d’une époque. Ce qui constitue, à mes yeux, un personnage, n’est ni sa biographie, ni ses actes, ni sa psychologie, mais sa manière d’affronter le temps et la réalité. Ce qu’il choisit de taire autant que d’exprimer, de se souvenir autant qu’oublier, dévoilent quelque chose de fondamental sur notre époque.

 

Longtemps, le temps d’une vie, le temps d’un siècle, Antoine D a résisté au temps. Pour cela, il a adopté une méthode. Il a pratiqué une forme de mémoire sélective. Il a choisi de se souvenir de l’Histoire, dans son intégralité, et en a oublié sa propre vie. Il a suivi le fil des mots qui relient l’Histoire au temps, comme un fil d’Ariane, et s’est perdu dans son labyrinthe. Ce n’est pas par hasard qu’Antoine est historien, car son errance est bien la nôtre, celle de nos inquiétudes face à l’oubli.

 

Parce que ce que l’on vit, voit, retient et oublie définissent ce que l’on est, le temps et la mémoire sont des territoires idéaux pour s’aventurer sur celui, hasardeux, des incompréhensions et des différences générationnelles, y créer une confrontation ludique, et y déjouer les idées reçues. Confronter le XXe siècle à l'image implacable que lui renvoie une génération sans illusion, celle du XXIe siècle.

 

 

 

La science de l’oubli

 

 

Je n'ai plus la force de m'adresser à des collégiens ou à des lycéens. Je ne peux plus retenir mes larmes. C'est trop dur. Mais je lutterai toujours à ma manière. Je gueule sur tout ce qui me blesse.

Aujourd'hui, on nous bassine à tout bout de champ avec le devoir de mémoire. Pourquoi ? Combien de nos dirigeants, de nos intellectuels ont retenu les leçons du passé ? Regardez le monde dans quel état il est ! Tout ce qu'on a raconté de l'horreur nazie n'a servi à rien.

 

Georges Angeli, ancien résistant, déporté à Buchenvald,

photographe clandestin du camp et de l’arbre de Goethe.

 

On peut difficilement parler d’Alzheimer, ou d’amnésie, pour expliquer notre obstination à répéter les mêmes erreurs, les mêmes cas de figure. On sent bien qu’il y a une blessure quelque part qu’on ne pourra jamais panser. Le monde avance avec une quantité de fantômes qu’on a du mal à identifier. Or selon les dernières recherches scientifiques, tout ce qui semble oublié serait concrètement encore là, dans  notre cerveau.

 

La différence principale entre un être vivant en 2014, et un autre un siècle auparavant, est l’avalanche d’informations qu’il ingurgite au quotidien. L’homme moderne est le réceptacle d’un savoir aussi superficiel que volumineux. Il est assiégé par une quantité infinie de détails qui ne le concernent pas mais qui savent se prétendre indispensables. Il doit consommer l’information au même titre qu’il doit consommer l’instrument qui le transmet et l’habitacle qui l’héberge. Il a donc su développer un réflexe pour se protéger, survivre : il tente de se constituer une mémoire sélective.

 

Pour cela, il se fraye un chemin et choisit. Il choisit de se souvenir de la Shoah parce qu’il est difficile de faire autrement, mais choisit d’oublier les circonstances qui ont mené à la tragédie. Il se souvient de la joie et de la délivrance que procure une révolution en observant de loin le Printemps arabe, mais oublie d’accueillir en son pays les « dégâts collatéraux ». Il ne peut pas vraiment faire autrement. Il doit choisir, trier, faire ce long travail lui-même, sous peine d’implosion. Personne ne peut faire ce travail à sa place. C’est la seule responsabilité qui lui reste.

 

Le cerveau est bel et bien un territoire occupé. Le monde libéral y cherche une place de plus en plus probante. Et si bien des gens pensent que le pouvoir d’achat est leur dernier recours politique, le pouvoir d’oublier, d’évacuer ce monde de son cerveau en est bien un autre.

Je résumerai volontiers ce texte en une guerre familiale et secrète entre entre le XXIe siècle et le XXe, et ce qui me plaît dans cette guerre, c’est que je n’arrive pas à prendre partie.

 

 

Gérard Watkins

 

 

Entretien

 

Antoine a 93 ans, il est historien mais il n’a perdu aucune date sauf celles de son histoire intime… l’avez-vous rencontré ?

Oui, sous plusieurs formes, en moi bien évidemment, sinon, je ne pourrais pas l'écrire, et autour de moi, sinon je ne pourrais pas le décrire. 

Est-il pour vous un personnage ? Un symbole ? Une métaphore ?

Un personnage est toujours un symbole, une métaphore, qui affronte le temps, et en même temps, s'il veut avoir la moindre chance d'exister, il ne doit être rien de tout ça, un être humain comme les autres, survenu dans ce monde en hurlant une question à la seconde, et ensuite en les posant plus posément, et heureusement pour son entourage, en les espaçant un peu plus. Mais Antoine D hérite d'un symbole assez lourd et complexe puisqu'il s'agit ni plus ni moins du XXe siècle.

Les deux médecins qui l’entourent sont-ils des sauveurs, des espoirs ? Des tortionnaires ? Des plus fous que lui ?

Didier Forbach symbolise ma génération, c'est à dire la passerelle sacrifiée entre le XXe et le XXIe; et Céline Brest, quand à elle, symbolise le XXIe. A partir de ce moment là, vous pouvez reposer la question et tacher d'y répondre vous même. Mais à leur propos, je ne peux rien dire de plus. Ce serait, comme dirait Céline, un « spoiler »*.

Est-ce que tout se joue dans un espace mental ? Ou dans un hôpital ? Quel sera l’espace représenté sur le plateau ?

Celui qui dit à ses acteurs qu'ils jouent dans un espace mental s'apprête à recevoir de leur part un regard bien dubitatif. Je dirais plus prosaïquement que c'est une zone de recherche dont les subventions sont très certainement menacées, mais dont la société espère quand même tirer quelque profit. Un peu comme le théâtre.

La pièce à la lecture semble une plongée dans l’inconscient, dans un rêve indéchiffrable. Le passage au plateau va-t-il simplifier les choses ? Ou pas du tout ?

L'inconscient vient de la condensation du temps, à la fois dans l'écriture, et dans le déroulé de la représentation. Il y a plusieurs histoires qui se jouent en une, comme dans la vie. Le travail avec les acteurs m'intéresse à partir du moment ou nous pouvons avoir cet échange qui a pour but de produire de la vie et de l'art, et non un chapelet d'effets. Le travail du plateau est là pour démêler une pelote de plusieurs fils, dont chaque fil comporte des fibres. Mais les fibres, une fois ensemble, composent une matière compacte. On ne dit pas de fils que ce sont des fibres emmêlées. On dit juste que ce sont des fils. J'espère donc que vous assisterez à un magnifique exercice de fil, bien tendu et compact. Je n'écris pas des textes compliqués. C'est une légende urbaine qui ne circule heureusement que dans un milieu très fermé qui est le nôtre. Le poème dramatique est une espèce en voie de disparition, et c'est pourquoi il me touche. J'espère que vous serez quelques uns à être touchés, et que les autres diront « je ne suis pas touché, mais c'est quand même bien foutu. »

* « spoiler », prononcer « spoïleur », désign

Propos receuillis par Pierre Notte

 

 

Histoire et Mémoire

Un petit aperçu

 

 

 

Où en sommes nous de notre rapport à l’histoire et à la mémoire ?

Aujourd’hui, ces deux notions nous sont devenues familières, nous les entendons partout, nous les voyons partout. Commémorations et dates anniversaires font partie de notre quotidien, nous avons accès à « l’histoire » en un clic. Mais il semble parfois que la substance même de ces notions ait été perdue en cours de route. Malgré cette apparente familiarité, la confusion est bien réelle. Histoire et mémoire sont aujourd’hui objet de méfiance et de conflits (ou pire, de désintérêt...).

Au vu de cette confusion, il semble souhaitable de se tourner un peu en arrière et de retrouver le fil.

Il ne s’agit pas ici de la résoudre mais d’essayer d’en comprendre l’origine.

 

  1. Histoire et mémoire, quel rapport ?

 

  1. La modernisation et les bouleversements de la société

 

  1. Un nouveau rapport à l’Histoire ?

 

1) Histoire et mémoire sont deux perceptions du passé très différentes.

D’un côté nous avons l’histoire, celle des historiens, qui se doit d’être une connaissance (une vérité donc, à valeur universelle, partiale, critique et laïque) et de l’autre la mémoire, qui est un vécu en perpétuel mouvement, qui n’a aucune valeur de vérité mais qui, malgré tout, est constitutive de notre identité.

Bien que ces deux notions soient très distinctes, elles ont longtemps été intimement liées, voir confondues, notamment en France.

En effet, en vue des besoins de l’État-nation, dont la priorité est l’unité et l’homogénéisation, l’histoire a pour vocation de légitimer l’ordre existant, de cimenter le corps social et de forger un sentiment national.

La mémoire nationale est prise en charge par l’État, l’histoire et la mémoire fonctionnent en miroir.

Le patriotisme comme garant de l’unité...

C’est notamment de cette conception de l’histoire que viennent les nombreux trous de mémoires, silences honteux et pesants de l’histoire officielle. Ceux que l’on appellera plus tard « crimes français », longtemps restés sous le tapis (les colonies, puis plus tard Vichy, ou encore lors de la guerre d’Algérie…) et l’on comprend facilement pourquoi.

Cette fusion fût baptisée par Pierre Nora : « l’histoire-mémoire ».

Cette conception de l’histoire n’a de sens qu’en réponse aux besoins de l’État-nation.

Elle commença à être remise en question lorsque la nation laissa sa place à la société (ensemble hétérogène de personnes…).

 

« Avec l’avènement de la société en lieu et place de la nation, la légitimation par le passé, donc par l’histoire, a cédé le pas à la légitimation par l’avenir. Le passé, on ne pouvait que le connaître et le vénérer, et la nation, la servir ; l’avenir, il faut le préparer. Les trois termes ont repris leur autonomie. La nation n’est plus un combat, mais une donnée ; l’histoire est devenue une science sociale ; et la mémoire un phénomène purement privé. La nation-mémoire aura été la dernière incarnation de l’histoire-mémoire »[1]

 

2)L’État-nation perdant peu à peu de sa vertu structurante, ce modèle va alors régresser et tendre vers la valorisation d’un regard plus critique et pluriel sur le passé.

C’est le début de la dissociation de l’histoire et de la mémoire.

Et c’est avec les profonds bouleversements qui ont lieu dans la France d’après guerre que cette indistinction histoire-mémoire va finir de perdre toute sa substance.

Avec l’avènement de la modernisation en France, la société subit de nombreuses mutations qui en presque 20 ans vont métamorphoser le paysage français.

Après la guerre, la France, qui était encore « un pays catholique foncièrement rural et impérialiste, se mua en un pays urbanisé, pleinement industrialisé et privé de ses colonies. »[2]

Les foyers qui ne possédaient aucune commodité, ou bien les plus rudimentaires, ont en un temps record  l’eau courante, un réfrigérateur, une voiture, et bientôt, la TV, lave vaisselle et autres…

La société rurale implose et les traditions ancestrales se perdent avec elle. La société naissante ne se construit plus sur le passé ou à partir de celui-ci. Les valeurs changent, l’héritage devient pesant.

Le passé n’est plus un référent, au contraire, il semble qu’il soit un frein à l’avènement de cette nouvelle société dite moderne.

Avec ce nouveau regard porté sur le passé, c’est notre rapport à l’histoire qui change.

Après la Seconde Guerre mondiale et le douloureux épisode de Vichy, les fractures internes sont profondes et la nécessité première est de se reconstruire, de tourner la page. Le sentiment national s’affaiblissant, il n’est plus un rempart. Cette nouvelle vision de la société, portée par toute la force de la médiatisation en marche, s’impose et s’immisce partout.

 

« La fin de la France des terroirs, située autour de 1965, mais dont les effets culturels différés se manifestent surtout à partir de 1975, est accentuée par la médiatisation et avec elle, par l’incursion d’autres repères à l’échelle mondiale et qui relativisent les traditions locales. »[3]

 

Les systèmes de valeurs changent ainsi que les rapports entre les individus.

 

« Le terme de communication était partout ; toutefois l’expérience même de la communication (…) était précisément en train de disparaître sous l’afflux des marchandises et sous l’assaut des nouvelles technologies de la communication. Le règne de la marchandise (ou des relations d’échange) aboutit avant tout à produire un manque d’échange entre les individus ; le structuralisme, mouvement intellectuel dominant de cette époque, fétichisa la communication au moment même où diverse formes de relations directes, non médiatisées, entre les peuples, se trouvaient en déclin ou subissaient des transformations drastiques. »[4]

 

 

Ce sont tous ces changements qui ont fait diverger l’évolution de l’histoire et de la mémoire et qui ont contribué à leurs dissociation progressive.

On se tourne vers le présent, devenu règne de l’instantané, et vers l’avenir, avec une grande préoccupation : le Progrès ! Cependant, si l’on marche vers l’avenir, il n’en reste pas moins que le futur est incertain. Le présent n’est plus le trait d’union entre passé et futur. Le passé n’est plus animé par un moteur de l’histoire et le futur n’est plus déterminé par celui-ci. Le passé est brouillé et il ne permet plus de hiérarchiser ce qui relève d’un devenir potentiel et positif.

 

 

3)En effet, il s’agit d’un passé brouillé car plus complexe, l’appréhension de celui-ci a changé. Il n’a plus le caractère linéaire et unitaire de l’histoire-mémoire portée par l’État-nation mais est désormais pluriel et fragmenté. Il est permis alors à chaque groupe de repenser son identité et de l’affirmer. C’est ainsi que, dans les années 70, on assiste à une profusion de mémoires plurielles, affirmant leur singularité et  révélant une richesse jusque-là inconnue.

 

Histoire et mémoire ne forment plus un seul concept mais deux, distincts l’un de l’autre, qui malgré tout ne sont aucunement en opposition mais s’enrichissent l’un l’autre.

Le regard de l’historien se déplace, les conceptions de l’histoire évoluent.

 

Des conceptions nouvelles prennent forme et interrogent différemment le passé et notamment la conception discontinuiste de l’historicité. Celle-ci privilégie le caractère irréductible de l’événement et moins la Raison historique qui s’accomplirait selon un axe orienté.

Apparaît alors l’idée d’un temps de l’aujourd’hui, discontinu, sorti du continuisme progressif et de l’idée de causalité. (cf. Walter Benjamin : « un lien qui ne soit pas un rapport de causalité »).

On comprend aisément en quoi cette nouvelle conception de l’histoire est moins rassurante que la première.

L’objet de l’histoire est alors une construction en perpétuel mouvement, à jamais ré-ouverte par son écriture.

De là viendra la fameuse question « L’histoire a-t-elle un sens ? ».

 

On le voit, si la conception de l’histoire, du passé, est plus riche et plus complexe, il n’en reste pas moins que comme dit précédemment le passé est brouillé et il semble qu’on assiste a une perte des repères immuables et rassurants.

Et pour ce qui est de la mémoire, plus que jamais après la Seconde Guerre mondiale, elle devient blessée et traumatique.

De nombreux travaux se multiplient afin de lever le voile sur les zones d’ombres de l’histoire nationale et l’on découvre alors notre mémoire malade.

« On assiste périodiquement au dévoilement désordonné d’événements traumatiques de notre passé, qui resurgissent ainsi au gré des commémorations ou de polémiques accidentelles dont se saisissent (ou que provoquent) les médias. À force de rapiéçages, le récit traditionnel de notre épopée nationale a perdu beaucoup de son sens, sans pour autant qu’une nouvelle version vienne remplacer l’ancienne. Dans ce contexte, la mémoire est devenue le recours ultime, gage d’authenticité et source illimitée d’informations, à la fois nouvel outil du savoir et, en tant que reflet des représentations collectives, objet d’études pour elle-même. Cette mémoire inflationniste induit dans notre société un autre rapport au temps : l’histoire n’est plus l’objet que l’on met à distance pour mieux l’interpréter, lui assigner un sens ; elle est tissée dans le vécu d’individus et de groupes aux destins entrecroisés et superposables, se recompose en fonction des strates mémorielles de multiples agents, collectifs et individuels, acteurs et observateurs, décideurs et victimes. Désormais c’est au cœur du présent que le passé se manifeste, rendant moins naturelle la position de surplomb que l’historien adoptait avec commodité. Cette transformation dans la relation passé/présent a certes démultiplié nos points de vue et considérablement élargi nos horizons de recherche. Mais elle a aussi favorisé une certaine confusion dans la mesure où, par nature, il n’existe que des mémoires juxtaposées qui rendent très difficile tout effort de synthèse. »[5]

La société moderne semble sortir de son adolescence et comme suite à un changement trop brutal, elle développe une vraie crise identitaire. Cette mémoire traumatique en est le symptôme ainsi que celui de la difficile reconstruction du vivre-ensemble à un moment où un certain nombre de repères semblent s’évanouir.

« Le règne de l’instantané que suscitent les moyens technologiques modernes a pour effet un sentiment de perte inexorable qui est combattu par une frénésie compulsive à redonner un présent à ce qui semble lui échapper. Cette réaction, légitime dans son principe, a pourtant un effet pervers. Cette valorisation empêche un réel apprentissage du passé, de la durée, du temps écoulé, et cela pèse sur notre capacité à envisager l’avenir. »[6]

 

 

L’histoire, nous le savons maintenant, est une chose complexe et mouvante.

Les cadavres étant sortis du placard, et le 20éme siècle maintenant derrière nous (siècle certainement un des plus meurtrier de l’histoire) l’histoire n’a plus valeur d’exemple (à part le retentissant « Plus jamais ça ! »), les héros nationaux sont devenus douteux et nous ne sommes les enfants de ce siècle qu’à regret.

Notre passé et notre mémoire, que nous tentons de reconstruire, sont devenu des sujets sensibles. Il est question de notre identité qui semble donc être en crise, et de notre avenir, qui lui semble incertain…

Face à ce puzzle (tant de notre histoire que de notre mémoire), il semblerait qu’il vaille mieux ne pas s’en soucier que de tenter de résoudre le casse-tête.

À l’inverse de l’« Ange de l’Histoire » de Walter Benjamin, il semble que nous ayons tourné le dos au passé :

« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule « Angelus Novus ». Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. »[7]

 

Je ne reciterai pas ici Eric Hobsbawm mais l’on comprendra aisément en quoi l’apport critique du métier d’historien est aujourd’hui impératif afin d’éviter les pathologies d’une mémoire trop souvent aveugle ainsi qu’un oubli volontaire de plus en plus généralisé.

Si l’avenir est incertain, c’est aussi parce que le fameux puzzle est trop souvent laissé en plan…

 

[1]    Les lieux de mémoires, Pierre Nora

[2]    Rouler plus vite, laver plus blanc, modernisation de la France et décolonisation au tournant des années 60, Kristin Ross

[3]    Entre mémoire et histoire ; une histoire sociale de la mémoire, François Dosse

[4]    Rouler plus vite, laver plus blanc, modernisation de la France et décolonisation au tournant des années 60, Kristin Ross

[5]    Oublier nos crimes : Amnésie nationale, une spécificité française, Dimitri Nicolaïdis

[6]    Entre mémoire et histoire ; une histoire sociale de la mémoire, François Dosse

[7]    Sur le concept d’histoire, Walter Benjamin

 

sur la direction d 'acteur

 

J’ai pu rassembler ces idées et impressions sur la direction d’acteur grâce à la complicité de Laurène Fardeau.

 

Avant d’envisager de parler de quoi que ce soit en terme d’intention de jeu,  de personnage, je vais entamer avec les acteurs un travail de table autour de ce que j’appelle la dramaturgie contemporaine. C’est à dire des liens que la fable tisse avec le monde qui nous entoure, qui est la raison d’être du geste théâtral. Je vais chercher à savoir quels sont leurs sentiments, leurs impressions sur la société, la politique, les mœurs. Je vais mettre en route un échange de parole et de pensée entre les acteurs et mes collaborateurs, qui va constituer un lien entre nous. Un acteur doit être lié au monde, par le regard, l’écoute, et la pensée. Il est habité par un lien secret entre lui et les autres. Au lieu de sentir qu’il est un « Chien de Pavlov », un jouet, il doit au contraire proposer sa pensée, et la mettre en jeu.

Ensuite, la fable va être décortiquée pour en trouver une première radioscopie. Ça peut prendre plusieurs jours dans le cas de mon écriture, mais c’est important, parce qu’on va entrer ensuite dans des plans très rapprochés du temps et de l’histoire, pour regarder et vivre la fable de l’intérieur. Pour que la fiction soit riche, il faut qu’on puisse remonter à sa genèse, et en envisager les conséquences. Ce qui va constituer un premier rapport au temps. La puissance d’une fiction sur les êtres, c’est aussi qu’elle permet d’imaginer et de trouver des réalités à des faits et événements impossibles. À passer à travers un challenge « imaginaire ». Et en venir à cette conclusion que tout peut se justifier, trouver une raison d’être.

C’est la première phase, qu’on va appeler celle de la pensée, et du lien au temps, à l’époque.

J’aime parler de phases, dans le processus de direction.

Ces phases, j’ai pu apprendre à mieux les distinguer, identifier, et approfondir au fil des ans, et le travail de trois ans avec les élèves de l’ERAC m'a permis de leur donner des noms. Elles ont pour objectif de mener l’acteur vers une forme de liberté, de chevauchement du temps, qui ne peuvent évidemment s’acquérir qu'avec méthode et travail.

Il est important pour y arriver de définir tout de suite la notion de partage. Il y a parfois une confusion qui s’opère entre l’acteur et le metteur en scène. Ce dernier confond parfois donner des ordres et diriger les acteurs. La direction accompagne, guide, libère. C’est une notion difficile à faire accepter. Il est important de le préciser, d’établir ce contrat.  Le problème de l’acteur est celui du résultat qui lui est demandé. Certains, comme Grüber, passaient du temps à débarrasser l’acteur de sa peur et de l'idée  qu’il devait à tout prix fournir des résultats, rassurer le public en montrant qu’il était bien acteur. Brook disait que le problème principal de l’acteur est qu’il doit toujours trouver du travail, et montrer son professionnalisme. Je dirais qu’en 20 ans, les dégradations des moyens alloués au théâtre ont fait que les metteurs en scène se trouvent dans la même situation, la même précarité, avec les mêmes soucis d’efficacité. Les rapports entre le metteur en scène et l’acteur sont donc aujourd'hui moins gracieux, et la trinité auteur-acteur-metteur en scène est de plus en plus délicate à articuler. L’échange, le partage, sont évidemment l'idéal, mais on ne peut pas éviter la manipulation quand on dirige. Ça fait partie du métier, mais ça peut rester élégant et invisible. Il est nécessaire d'avouer notre dépendance mutuelle pour aller vers plus d’indépendance.

Il faut aussi penser à l’objectif qui est de toucher. La maîtrise n’est pas forcément quelque chose de touchant. Des acteurs sur des rails ne touchent personne. Sur scène, on explore l’humain, fait de doutes, d’errances, d’inconscience et non de maîtrise. Mais la fragilité se mérite : par du travail, de la rigueur, de la méthode. Il faut pouvoir maîtriser son désordre. Je travaille avec des acteurs artisans, des acteurs qui aiment jouer parce qu’ils ont conscience de ça : qu’il faut déconstruire pour reconstruire. Mon écriture suinte partout d’un amour inconsidéré du théâtre, de ses masques, de ses artifices qui mettent en lumière la vérité. Je suis tout sauf post-dramatique. Parce que je crois que le masque dévoile et libère de la vérité. De la beauté en tout cas.

 

La phase suivante est celle du grain, la voix de l'acteur relié directement à sa pensée. On arrive assez facilement à la trouver à partir d’improvisations. Celle que je fais systématiquement, et que je développe à chaque fois, est l’interview. Elle est assez ludique. Elle constitue l’imaginaire et la biographie du personnage. Je préfère quand l’acteur ne prépare rien. Le mieux est qu’il invente sur le moment. Souvent, si le personnage s’appelle Paul par exemple, il suffit de lui demander son nom de famille pour s’apercevoir que l’acteur n’y a pas pensé. Ce qui n’est pas un problème. Mais il va bluffer, inventer, braver et s’approprier le personnage pour survivre à l’interrogatoire. Il va se substituer directement au personnage. Il va aussi trouver des choses avec son corps. Mais sans vraiment le savoir. Tout ça doit être inconscient, ludique et sans stress. Je n’aime pas stresser les acteurs. Je préfère les détendre. Si on doit aller loin quelque part, il faut que le voyage soit confortable. Il s’agit aussi de prolonger le travail de table autour de la fiction mais de développer quelque chose de moins réfléchi, de plus imaginatif et instinctif encore. Le grain doit continuer d'être exploré sur la première lecture, la première mise en place du texte. L’acteur dit le texte au plus simple au plus proche de ce qu’il est.

 

 

Le drive va constituer une des phases les plus laborieuses, mais elle est fondatrice. Il s’agit de moteurs, d’objectifs, et d'enjeux. De mécanismes du désir qui font que l’acteur avance. Ça peut être la faim, le pouvoir, une pulsion de mort, un désir de reconnaissance, une perte d’identité, une mue, une passion dévorante, une dépression, une amnésie. C’est une nécessité primitive. Qui peut ensuite se décliner. Là débarquent les questions intéressantes. L’acteur sait qu’il en a besoin, et pose alors des multitudes de questions sur ses enjeux, ce qu’il cherche, désire. C’est une étape qui demande beaucoup de patience parce qu’elle va être moins gracieuse, moins spectaculaire. On ne peut pas trouver le théâtre à ce moment-là. J’aime ralentir le jeu, pour que l’acteur puisse prendre le temps organique de se poser ses questions. Le jeu devient alors lourd et psychologisant, mais il va aussi s’ancrer et trouver sa raison d’être. Il va devenir plus volontaire à ce moment là. Je peux appeler ça « les mains dans le cambouis », parce que ce n'est vraiment pas très agréable à regarder. Mais l’acteur y est fondamentalement au travail. C’est surtout le carburant qui va le relier à l’autre, c’est là aussi où il tend des fils avec les autres acteurs. C’est aussi l’endroit où l’écoute est au travail. Où l’écoute devient active. Repérer ce qui déclenche la parole dans la parole de l’autre. Et l’écoute n’est pas une phase mais une nécessité absolue et présente à tout moment du travail.

 

Le dibbouk n’est pas vraiment une phase. Mais ça constitue pour moi un principe. Et à certains moments, un outil de dépannage. Quand rien en soi ne marche, il faut aller chercher le ailleurs qui est en soi. J'ai évidemment emprunté ce mot à la mythologie juive, il y avait une grande scène de dibbouk dans Europia, et Icône n’était qu’un grand dibbouk ! Ce sont des pouvoirs étrangers à soi qu’on invite sur le plateau. Un être est constitué de sa mémoire, et aussi de la mémoire des êtres qu’il a vu, aimé, observé. On peut commencer un dibbouk à une terrasse de café en regardant les autres, et en conviant ensuite ces visions et impressions sur un plateau. On peut aussi se chercher soi à différents moments de sa vie. Mais ce qui se passe, c’est que l’acteur va être habité par un autre soi. C’est ce masque qu’il va chevaucher. C’est l’autre. C’est la présence d’un autre, ou d’autres, dans le corps de l’acteur. J’ai pu voir bon nombre de situations sur le plateau prendre leur envol avec des dibbouks. Parfois l’acteur n’en est même pas conscient. Je pense que c’est quelque chose de secret. On ne peut pas vraiment emmener l’acteur à le débusquer. Ça lui tombe dessus. On peut toutefois le convier, et même le mettre en abîme (imaginer être un repris de justice en stage d’interprétation plutôt qu’un acteur professionnel, par exemple). Je lui rends toujours hommage, et il y a toujours un passage qui lui est dédié. Ici, c’est la scène de la forêt. 

 

La chronologie est une des phases finales. Je la garde pour la fin, curieusement, parce que pour moi c’est une phase qui libère les autres. C’est la conscience distanciée de l’ordre des évènements. C’est la conscience des artifices de l’œuvre. C’est arithmétique. La chronologie est l’art du feu d’artifice, la conscience des mèches courtes, des mèches longues, des détonations, des virages. Elle doit être excessivement familière. De manière maline, l’acteur peut y rejoindre un niveau d’innocence. C’est à partir de ça que la musique et le rythme se trouvent. L’acteur doit être conscient du déroulé, garder la tête froide, afin d’y reconstituer une forme d’innocence et de partir à l’aventure en même temps que le spectateur. Pas tout à fait en même temps, parce que c’est quand même mieux quand il a une longueur d’avance. Mais c’est ce fil qui est tendu entre lui et le spectateur. C’est une phase plaisante, parce qu’elle peut sortir l’acteur de n’importe quel bourbier. C’est aussi une phase qui va bien avec le montage technique, car elle ne nécessite aucun sentiment. Elle va bien aussi avec les « italiennes » ou les « allemandes ». 

Elle précède de peu la dernière phase qui est musicale. La musique est suprême. Je la garde pour la fin parce qu'elle doit contenir toutes les autres phases et les faire surgir. En premier lieu il s’agit de rythme. Et de dissonances. De créer du contre, des implosions, des écarts. Faire une dernière chasse aux tons convenus. Et une ultime et impitoyable chasse aux tons « téloche » au cas où certains seraient passés à travers les mailles du filet. Mais le secret de la vie est bien là. En principe l’acteur doit être maître de sa musique, et l’ensemble, du rythme. Resserrer. Un phénomène qui se produit systématiquement à 8-10 jours d’une première et qui va permettre de l’abandon, du lâcher prise. Qui réveillera plein de choses que l’acteur étouffe en voulant trop maîtriser. Le choix est un des combustibles principal de l’acteur.  Il en a une quantité infinie et il le sait. Il doit donc les approfondir et les réduire à l'essentiel. Mais je trouve qu’il est faux de dire qu’il ne doit en choisir qu’un seul. L’idéal serait qu’il soit habité par tous ces choix et qu’il attende la dernière fraction de seconde pour choisir, mais c’est évidemment compliqué. Il peut toutefois se le permettre de temps en temps ! C’est aussi ce qui constitue la vie sur le plateau, et fait qu’on ne se trouve pas devant un chapelet d’exécutions de choix univoques. Le choix, qui est délivré, et non exécuté, est par là enrichi de résonances, d’harmonies et de contradictions.

Il est important d’avoir pas mal de filages pour pouvoir tester tout ça, et créer dans un ensemble des balises pour se permettre de la fragilité.

 

GERARD WATKINS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 09:50


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Si on pose la question de l’identité Européenne, si on se la pose, si on pose la question autour de soi, c’est-à-dire en posant la question : qu’est-ce que l’Europe ? Ou plus prosaïquement, L’Europe c’est quoi ? On peut généralement remarquer qu’il va s’en suivre un silence musical, celui de l’enfant pris en faute, ou celui du citoyen qui voudrait bien répondre, avec dignité, mais qui réalise que beaucoup de choses ont changé depuis la dernière fois qu’il y a accordé la moindre pensée. Ecrire un texte sur l’Europe d’aujourd’hui, c’est s’engouffrer corps et âme dans ce silence, dans ce qui jaillit de l’espace temps, l’espace mémoire, l’espace identitaire, qui relie, en un instant, les bombardements de Hambourg, la peste à Marseille, le mouvement syndical de Solidarnoscc, la chute des Ceaucescu, les émeutes d’Athènes, les éthiques de Spinoza, les chevaliers teutons, et le Fado.

 

Pour une génération émergente, née en même temps que la chute du mur de Berlin, ceux qui n’ont jamais connu une Europe divisée en deux blocs, pour qui l’Euro a changé le prix du paquet de bonbon, qui n’ont pas du vraiment faire un effort de calcul ou de retranscription monétaire, qui ont accepté cette réalité comme on accepterait soudain de se réveiller sur une autre planète, l’Europe n’a pas eu forcément cet effet de standardisation, de formatage, de nivelage économique tant redouté par leurs aînés. Il y avait là une carte, des frontières, des droits et des possibilités économiques. Comme la population américaine, beaucoup d’entre eux ont commencé à migrer. Pour s’arracher de leur matrice, certes, mais aussi pour échapper à un chômage qui n’a pour eux cesser de croître.

Trouver sa place dans le monde pour un jeune d’aujourd’hui est un casse tête que nous n’avons pas connu et ne pouvons comprendre. Si on pose la question de l’utopie, si on se la pose, si on pose la question autour de soi, de manière identitaire, c’est-à-dire en posant la question, quelle est ton utopie, le silence musical qui s’en suit tend à être plus long que le précédent.

Pour une génération, le silence peut être celui d’un deuil, mais parfois, le cœur s’agite, parce qu’une nouvelle utopie vient d’être trouvée, ou inventée, et qu’il faut la propager vite avant qu’elle ne s’éteigne. Pour la nouvelle génération, le mot est nettement plus mystérieux, parce que la question ne leur a clairement jamais été posée.

Pour certains, le mot n’a aucun sens, et il faut leur poser la question plusieurs fois, les rassurer sur le sens du mot, qu’ils ne sont pas en train de tomber dans un piège mortel, avant d’obtenir des réponses pour le moins surprenante sur la cueillette et la chasse et les modes de vies des premiers peuples nomades qui foulèrent du pied le vieux continent. Avant qu’elle n’ait une valeur politique, elle a la valeur d’un rêve. D’un déplacement temporel. D’une projection transversale. Et j’ai l’impression qu’il y a là quelque chose à regarder. A transmettre. A écouter. A laisser entendre.

 

Ce projet me tient particulièrement à coeur pour son artisanat.

Ce projet a été possible grâce à une rencontre forte.

L'ensemble 20 de l'Erac.

 

J'ai pu élaboré un processus pédagogique avec eux sur trois ans.

Pédagogie réciproque, car ce temps privilégié m'a permis d'aller fouiller là ou je n'avais pas encore pu aller, dansles possibilités de travailler avec un collectif sur du matériau vivant.

Ce processus de création partagée a eu lieu en trois temps. Un premier travail de 6 semaines sur Andromaque de Jean Racine. Un deuxième temps de préparation d'une réflexion sur l'identité Européenne et les utopies naissantes. Les élèves se sont préparés pendant trois semaines, à partir de recherches et d'improvisations, et sont ensuite partis en binome dans sept villes portuaires, Amsterdam, Hambourg, Stockholm, Gdansk, Riga, Bucarest, et Athènes. Ils ont ramenés leurs expériences, écrites, enregistrés, et ont ensuite fait à nouveau trois semaines d'improvisations. J'ai ensuite écris un texte à partir de ces expériences, « Europia Fable Géo-poétique » qui sera répété pendant deux mois. Processus pédagogique basée sur le regard de l'acteur sur le monde d'aujourd'hui, afin qu'il soit prêt a le transcender et à l'interroger.

Interrogeant à la fois l'actualité, la crise, l'histoire, la mythologie populaire et urbaine, Europia (fable géopoétique) est une tentative de sonder en un mouvement l'identité Europpéenne d'aujourd'hui, en axant particulièrement la recherche sur les utopies naissantes. C'est, pour eux, pour l'ensemble, un voyage initiatique, qui relate de la particularité de leurs rencontres et de leurs interrogations sur place. C'est aussi un aller retour entre le travail de plateau, improvisations, Re-enactments d'épisodes traumatiques de l'histoire, d'interviews sonores, et des fictions que j'ai imaginés pour en faire théâtre.

J'ai cherché à écrire au plus près de leurs personnalité, et notre travail de pensée a guidé l'élaboration des fictions.

Ce spectacle va enfin voir le jour au théâtre des Bernardines à Marseille, du 11 au 13 Juillet, puis au Festival d'avignon, du 22 au 25 Juillet, au cloître st-Louis. (ISTS)

 


 

 

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9 décembre 2012 7 09 /12 /décembre /2012 18:10

DU 7 JANVIER AU 3 FEVRIER    /  THEATRE de la BASTILLE 

 

lost replay (flyer)


Texte musique et mise en scène de Gérard Watkins

 

Avec

 

Anne Alvaro

Gaël Baron

Antoine Mathieu

Fabien Orcier

Nathalie Richard

 

 

 

Avec l’aide de la Drac Ile de France - ministère de la culture et de la communication, l’aide à la production d’ARCADI,

l’aide à la commande de la SACD/SYNDEAC 2011,

et l’aide à la création de l’ADAMI et de la copie privée

Production :Perdita Ensemble Coproduction Hippodrome - scène nationale de Douai, Théâtre de la Bastille, Théâtre Garonne – Toulouse, Théâtre 95 – scène conventionnée, Centre des écritures contemporaines de Cergy-Pontoise.

Avec le soutien de la Comédie de Reims

et du Théâtre de Nanterre-Amandiers.

Avec l’aide du Compagnonnage du ministère de la culture

et de la communication.

 

Assistanat à la mise en scène deMaya Boquet

Scénographie deMichel Gueldry

Lumières deChristian Pinaud

Création sonore deFrançois Vatin

Création Maquillages deNathy Polak

Administration de production deSilvia Mammano

Régie Générale deAlain Jungmann


 

Perdita Ensemble 18 rue de la paix 93260 Les Lilas

Le Perdita Ensemble est conventionné par la Drac Ile de France-Ministère de la Culture et de la Communication

 

 

 

 

Lost (replay)

 

(synopsis)

 

« Trois anges sont expulsés du paradis, et se réveillent sur terre, traumatisés, dans le sous-sol d'un immeuble parisien. Ces anges déchus se demandent ce qu'ils vont faire, ruminer, panser leurs plaies, retourner là-haut se venger ? Ils opteront pour un défi. Ils tenteront de prouver, autant à eux-mêmes, qu’aux humains, que l'Humanité mérite encore son nom, en organisant une rencontre entre deux êtres esseulés. Sur le toit de l'immeuble, bien à vue du ciel. »

Lost (replay) / Présentation par l’auteur

 

origine

 

Lostveut dire perdu. Replaysignifie rejouer. À l’origine du projet est le Paradise Lost  de John Milton. Je m'en suis éloigné, radicalement, pour confronter trois anges déchues à un homme et une femme d’aujourd’hui. La femme et l’homme en question, sont seuls, en surcis dans un monde qui les dépasse. L'homme surveille les conversations des employés pour une entreprise de télécommunication, et la femme, sans-emploi, accumule des « instruments de communication qui isolent », dont la dernière pièce maitresse est une « box ». Ils nous ressemblent. Dans nos errances et nos contradictions. Le regard sur eux est à la fois tendre et fiévreux. Burlesque et tragique. Charnel et distancié.Trois anges rebelles et déchus, furieux de voir l'humanité sombrer ainsi dans le néant, débarquent. Ils trouent le ciel, traversent l'immeuble par le conduit de cheminée et atterrissent au sous-sol.

sur le plateau

 

Ce conte fantastique va se déployer en trois temps, trois mouvements d'écriture.

 

Parce que les formes et structures complexes de narration qu'offrent le théâtre, permettent d'en dire autant sur notre époque que la fable elle-même. Elles permettent, comme le désirent si ardemment les anges déchus, de remettre l'humain au centre.

 

La première partie se déroule comme un puzzle visuel, naïf, et burlesque. Ce sont des impacts organiques. Juxtaposées sur deux niveaux. Les humains en haut, les anges en bas. Comme si ces deux niveaux n'avaient rien à voir l'un avec l'autre. Les humains n'ont, pour l'instant, rien d'autre à déballer que leur enlisement dans le matérialisme. Et les anges, rien d'autre à déballer que leur rage et leurs frustration d'avoir été chassés, virés pour avoir osé ouvrir leur gueule.

 

Parce qu'ils avaient vu, oui, bien vu, et bien dit, que l'humanité sombrait, et que le projet n'avait plus rien à voir avec le projet.

 

Alors ils débarquent, en cassant les murs, avec des bras cassées, des jambes cassées, des gueules cassées, pour nous replonger dans la vie. Représentations surgissantes de nos blessures, de nos paradis perdus, et de nos illusions meurtries.

 

Dans un deuxième temps, ces mondes, le haut et le bas, vont se rencontrer et se fusionner, en passant par une laverie. Une machine à laver. C'est ce qu'on appelle le « mix ». C'est ce que les anges appellent « le projet ». Cette rencontre transite par la parole, et on ne sait pas très bien si la parole jaillit d'un bouleversement identitaire, ou si un bouleversement identitaire fait jaillir de la parole. C'est le principe de l'échange, d'ailleurs. Du dialogue. Et on ne sait pas non plus qui de l'ange ou de l'humain en sort le plus bouleversé. Bouleversement des humains en marche vers leur libération. Bouleversement des anges en marche vers leur humanité.

 

Les anges, passionnés par leur projet, et persuadés que cette rencontre sur le toit de l'immeuble va remettre du combustible et humaniser la terre, s'attellent, mi-coach, mi-analystes, à travailler au corps les humains pour les faire craquer.

 

Parce que ces anges ont bien débarqué là pour nous réveiller et nous rappeler qu'une révolution est possible dans ce monde. Révolution politique. Mais aussi, et avant tout, et bien avant, une révolution de nos existences. En s'extrayant de la fiction du monde industrialisée, et de ses interminables assujettissements. En retrouvant une écoute radicale de ses émotions, de ses désirs, et de l'autre.

 

Les deux scènes se déroulent dans une même temporalité, pour que les silences des uns soient comblés par le dialogue des autres. Parce que l'autre, c'est aussi, au sens plus universel, ce qu'on a tendance à oublier en Europe, celui qui n'est pas directement relié à soi. Et c'est ça aussi, le projet des anges. Recentrer, et relier des êtres à ce qu'ils sont, et à ce qu'ils sont les uns par rapport aux autres, autant à travers le mur qui sépare les deux appartements, qu'à travers les mers qui séparent le continent, qu'à travers les années qui séparent les siècles. Des anges Spinozistes, en somme.

 

Pour finir, grâce aux incantations et à la mue de Luc en serpent, et à son merveilleux projet de laver les mots de l'affront qui leur a été fait, arrive le troisième temps.

 

Mais de quel affront parle t il, enfin ?

 

La publicité de la nouvelle Freebox annonçait une « révolution ». Sur Facebook, des centaines, des milliers « d' amis » se « like ». Des drones arpentent le ciel au nom d'une guerre « propre ». Les mots les plus importants de la communauté humaine ont, il l'a bien vu, il l'a bien dit, été vidés de leur sens. Par les médias, les politiciens, les agences de communication. Pour vendre. Pour valoriser. Du tout, du rien, du grand n'importe quoi. Un système qui part lamentablement en sucette. Des pingouins qui agitent des bras de manchots pour que ça tienne encore quelques années. Alors le serpent dit Voir Valse Ventre Vigne. Et il danse. Et par sa valse nous amène au troisième temps.

 

Celui ou le puzzle s'assemble. Celui du temps retrouvé. Celui du théâtre. A la lisière de la comédie romantique shakespearienne. Sur la pente magique d'un toit. Unité de l'espace retrouvée. Unité du temps retrouvé. Parole retrouvée. Humanité retrouvée. C'est le rôle du théâtre. Composer, décomposer, et, comme dirait un spectateur, donner une deuxième chance. Une autre chance. Pas une dernière chance. Juste une autre chance.

 

l’écriture

 

Lost (replay)est un texte athée. N’a aucune aspiration mystique, ni d’attirance pour l’au-delà. J’ai emprunté le canevas de la chute des anges, et de la tentation d’Adam et Eve par Satan, car il m’a paru approprié pour parler du monde d’aujourd’hui. La question de Dieu ne m’intéresse pas. La religion m’intéresse pour sa source inépuisable d’histoires car elles sont des inventions humaines générées par la peur de la mort et de l’inconnu. La matière fictive y est donc fascinante et profondément inscrite en nous. Quand je fais tomber les anges sur terre, et non en Enfer, ce n’est pas pour dire que l’Enfer est parmi nous. C’est juste pour nous dire que nous avons besoin de ces anges/diables, besoin d’être confrontés à des projections de nos pensées et de notre imaginaire, faites chair.

 

Après la chute

 

Comme William Blake, nous avons besoin de dialoguer avec des anges déchus, des anges en état de révolte. Les romantiques Anglais se servaient d’anges et de forces occultes pourse battre contre l’ère industrielle et ses injustices. L’avantage d’un monde qui s’est écroulé, dans son tissu social, dans ses valeurs, dans ses ambitions, est que l’on n’en attend pas grand-chose. Et qu’il nous laisse le champ libre. De nos jours, ce qu’il y a de formidable, c’est qu’on peut se servir de ce canevas et en faire à peu près ce qu’on veut, sans risquer de se faire brûler comme hérétique.

 

Maintenant, que la Chute puisse avoir de nombreuses significations historiques, selon les aspirations, Chute du mur de Berlin, du World Trade Center, de la bombe H sur Hiroshima, du cours de la bourse, que pour d’autres, la fable des anges en révolte face à leurs créateurs serait une mise en abîme pirandellienne des personnages et de leurs créateur, cela me convient. Mais je n’ai pas souhaité ancrer Lost ailleurs que dans une réalité dénuée de sens, la nôtre. Dans la ville de Paris, avec des êtres que je connais, imagine, ressens. Le désir est au centre de cette rencontre. De cette tentation. Il n’est pas vraiment question d’autre chose. Ce qui m’intéresse, c’est de fabriquer des anges qui n’ont plus rien à perdre, et qui vont jouer avec les humains pour qu’ils regagnent une certaine forme d’innocence et de liberté. Le seul moyen d’être tendre avec lui, l’humain, est d’être féroce, et de le pousser dans ses derniers retranchements. Comme le Micromégas de Voltaire, on fait débarquer des êtres d’ailleurs pour avoir sur nous un regard neuf. En ce sens, ils se font passer aisément pour des réfugiés de l’Est. Je rejoins là ma thématique des trois derniers spectacles autour des demandeurs d’asiles. La place de l’autre est le regard de l’artiste. Qui a encore le pouvoir de transformer, interpréter, affabuler.

 

Mais ces anges sales ne sont pas si nihiliste que ça. Ils ont un projet. Leur projet est humble. Que ces deux êtres humains là parlent, se touchent, se désirent. La mise en scène sur le toit de l’immeuble par ces anges nous rappelle qu’ils ne sont rien d’autres que la matière même du théâtre, l’illusoire et le merveilleux. L’humour et le burlesque, archi-présent, naissent de cette alchimie-là. J’ai en tête que l’Homme et la Femme de cette fable ont eux-mêmes conjuré ces anges.

 

Le projet, plus ambitieux de Luc, de démanteler les mots, de les faire renaître libre de ce qui a pu les corrompre, est plus simple qu’il n’y paraît. C’est un projet politique, car si au commencement est le verbe, la plus vicieuse et profonde des perversions est bien celle que le pouvoir exerce sur le langage.

 

Losta aussi cela pour combat, qu’on ne puisse pas dire, qu’à la fin, le verbe n’était plus.

 

 

L’espace est unique, sur trois niveaux,comme troiscouloirs superposés, sur lesquels viendra se poser un toit en zinc, pour la scène finale, grâce à un système ingénieux et simple de Michel Gueldry. Ludiquement juxtaposés dans un même espace, on voit : un sous-sol noirci par le charbon proche de l’univers de Zola ou Dickens ; un espace légèrement 50’s, destinée aux travaux de nettoyage ; un studio « ikeaisé » ; et un studio d’intellectuel vaguement esthète. Il y a peu de profondeur, les espaces sont allongés, étirés, comme des lieux de passage plus que de vie. Espaces séparés par une hauteur de 1m pour qu’il existe une porosité entre elles, et qu’une circulation puisse y exister. Un espace scénique comme un livre à lire, de gauche à droite, et de bas en haut.

 

La musiqueaccompagne les anges, littéralement, géographiquement. Une musique composée et construite autour du souffle. Déclenché par leur mouvement, leur contact, leur approche.

 

La direction d’acteur) constitue désormais l’élément central de mes mises en scènes. Intense, radicale, minérale, en corps à corps constant avec les acteurs, et leur imaginaire. Trouver et puiser en eux un jeu massif, concret, et clairement habité. Cherche avec eux comment travailler une temporalité complice, une innocence, et une disponibilité absolu, pour passer du burlesque à l'intime.

 

Assurer laContinuitéde Lost (Replay) est le 8 ème texte écrit et mis en scène par Gérard Watkins. Il s’inscrit dans la suite de IDENTITE. Il rassemble une équipe fidèle au travail de Gérard W,atkins d’acteurs, scénographes…

 

C’est la quatrième collaboration d’Anne Alvaro, de Michel Gueldry, et de Silvia Mammano avec Gérard Watkins, la troisième pour Gael Baron, et Christian Pineaud, la deuxième pour Antoine Mathieu, et Judith Martin, et… la neuvième pour Fabien Orcier.

L’équipe

 

 

Gérard Watkins est né à Londres en 1965. Il passe une partie de son enfance en Scandinavie, et aux Etats-Unis, et s’installe en France en 1973. Il écrit sa première pièce en un acte en 1980, qu’il met en scène au Lycée International de St-Germain en Laye. Il écrit également les paroles et musique de son groupe, « Western Eyes », dans lequel il chante et joue de la guitare jusqu’en 1988. En Classe Libre, au cours Florent, il écrit Scorches, qu’il met en scène avec une quinzaine d’acteurs. Il entre au C.N.S.A.D, ou il écrit Barcelone, tout en suivant des cours avec Viviane THEOPHILIDES, Michel BOUQUET, Pierre VIAL, et Gerard DESARTHE. Il joue ensuite comme acteur dans une trentaine de productions, avec Véronique BELLEGARDE, Jean-Claude BUCHARD, Elizabeth CHAILLOUX, Michel DIDYM, André ENGEL, Marc FRANCOIS, Daniel JEANNETEAU, Philipe LANTON, Jean-Louis MARTINELLI, Sylvain MAURICE, Lars NOREN, Claude REGY, Jan RITSEMA, Bernard SOBEL, et Jean-Pierre VINCENT. Il joue au cinéma avec des réalisateurs comme Julie Lopez CURVAL, Sébastien LIFSHITZ, Jean-Marc MOUTOUT, Pierre MOREL, Jérome SALLE, Yann SAMUEL, Julian SCHNABEL, Hugo SANTIAGO, et Peter WATKINS. Il met en scène tous ses textes, La Capitale Secrète, Suivez-Moi, Dans la Forêt Lointaine, Icône, La Tour, dans des espaces différents, allant du théâtre l’Echangeur et le Colombier à Bagnolet, au Théâtre Gérard Philipe de St Denis, Théâtre de Gennevilliers, la Ferme du Buisson, en passant par la piscine municipale de St Ouen. Depuis 1994, il dirige sa compagnie, le Perdita Ensemble, qui réunit acteurs et actrices, (Anne Alvaro, Gaël Baron, Odja Llorca, Anne Lise Heimburger, Antoine Matthieu, Fabien Orcier, Nathalie Kousnetzoff, etc.) scénographe, (Michel Gueldry), éclairagiste (Christian Pineau), créatrice son (Diane Lapalus) dramaturge (Sophie Courade), et administratice (Silvia Mamanno). Il est lauréat de la fondation Beaumarchais, du Centre National du Livre, et de la Villa Medicis Hors-les-Murs, pour un projet sur l’Europe. Il a obtenu cinq aides à la création de la DMDTS/CNT.

Il a également traduit Martin Crimp, Jean Small, Felix Okolo, Mark Ravenhill et Harold Pinter.

 

Identité, son dernier texte, a été créé en avril 2009 à la Comète 347 et est repris la saison prochaine au théâtre la Bastille, au CDN de Besançon, à la MC2 Grenoble, au Théâtre Garonne, au théâtre Les ateliers à Lyon, au Panta théâtre à Caen et à Bienne, en Suisse.

Il prépare actuellement, Lost (Replay)Théâtre Bastille 2012/13, Je ne me souviens plus très bien. Monsieur Qui et les maîtresses de l’univers ainsi que Europia / fable géo-poétique spectacle de sortie des élèves de l’ERAC 2013.

Il est lauréat du Grand Prix de la littérature dramatique 2010

Anne Alvaro a travaillé au théâtre avec Giorgio BARBERIO-CORSETTI, Maurice BENICHOU, Jean-Claude BUCHARD, Hubert COLAS, Giorgio Barberio CORSETTI, André ENGEL, Jean DAUTREMAY, Pierre DEBAUCHE, Anne DIMIDITRIADIS, Alain FRANÇON, Gabriel GARRAN, Claude GUERRE, Lucas HEMLEB, Sandrine LANNO, Claire LASNES, Georges LAVAUDANT, Denis LLORCA, Jean-Pierre MIQUEL, Magali MONTOYA, Alain OLLIVIER, Luis PASQUAL, Patrick PINEAU Lucian PINTILLIE, Michel RASKINE, Bernard SOBEL Anne TORRES, Vladimir YORDANNOF, Serge VALLETTI, Jean-Pierre VINCENT, Andrezj WAJDA, Gérard WATKINS, Robert WILSON, et au cinéma avec Mathieu AMALRIC, Bertrand BLIER, Giorgio DIRITTI, Romain GOUPIL, Claude GORETTA, Agnès JAOUI, Sébastien JAUDAU, Noémi LVOSKY, Sandra NETTELBECK, Raul RUIZ, Claire SIMON, Julian SCNABEL, Andrezj WAJDA. Ele a également mis en scène MACCHIA, MARIVAUX et SHAKESPEARE

Elle a obtenu deux césars pour « Le Goût des Autres » et « Le Bruit des Glaçons » Molière meilleure actrice 2008 pour le Cri de Howard BARKER

 

Gaël Baron Formation au C.N.S.A.D de Paris (classes de Madeleine Marion, Pierre Vial et Stuart Seide), a été acteur résident de la compagnie NORDEY au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis. Il joue également sous la direction de Gilles BOUILLON, Antoine CAUBET, Françoise COUPAT, Eric DIDRY, Gislaine DRAHY, Frederic FISBACH, Stéphanie LOIK, Bruno MEYSSAT, Gildas MILIN, Claude REGY, Christian RIST, Jean-Baptiste SASTRE , Jean-Michel RIVINOFF, Jean-François SIVADIER, Jean-Pierre VINCENT, Gérard WATKINS. Il a co- mis-en-scène et joué avec Valérie DREVILLE, Jean-françois SIVADIER, Nicolas BOUCHAUD, le “PARTAGE DE MIDI”.

 

Antoine Matthieu Formation au TNS, il a joué au théâtre dans des mises en scène de Stéphane BRAUNSCHWEIG, Jean-Claude FALL, Julien FISERA, Alain FRANCON, Adel HAKIM, Joel JOUANNEAU, Yanis KOKKOS, Jean-Louis MARTINELLI, Lars NOREN, Charles TORJMANN, et Gérard WATKINS, et au cinéma, avec Pascal FERRAN, et Mia HANSEN-LOVE.

 

Fabien Orcier Formation au CNSAD,vient de jouer dans La Cerisaieet dans 3 Tcheckhov, de Anton Tcheckov, mis en scène par Patrick PINEAU. Il a aussi travaillé avec Jean-Hugues ANGLADES, Nelly BORGEAUD, Claire LASNE, Georges LAVAUDANT, Bernard LEVY, Laurence MAYOR, Laurent PELLY, Eric PETITJEAN, Karel REISZ, Serge SANDOR, Bernard SOBEL, Olivier TCHANG TCHONG, et Frederic TOKARZ. Il a notamment joué dans toutes les créations de Gérard WATKINS depuis Scorchesà l’école de l’acteur Florent en 1985.

 

Nathalie Richard a travaillé au théâtre avec Catherine Anne, Yves Beaunesne, Jean-Louis Benoît, Anne Dimitriadis Jean-Claude Fall, André Engel, Philippe Lanton, François Peyret, Jean- Baptiste Sastre,, Jean-Pierre Vincent, et au cinema avec de Judith Abitbol, Olivier Assayas, Chantal Akerman, David Barker, Éric Caravaca, Catherine Corsini, Jean-Pierre Darroussin, Ilan, Duran Cohen, Michael Haneke, James Ivory, Pierre Jolivet, Cédric Kahn, Cédric Klapisch, Hervé Le Roux, Jean-Pierre Limosin, Andrew Litvack, Alfred Lot, Jacques Maillot, Tonie Marshall, Arnaud des Pallières, Laurent Perrin, Jacques Rivette, Mark Romanek, Marie Vermillard et Christian Vincent , et au théâtre dans des mises en scènes de Elle reçoit le Prix Michel Simonen 1989 pour le film La Bande des quatrede Jacques Rivette. Elle a également mis en scène Martin Crimp au Théâtre National de Chaillot.

Michel Gueldry est néen 1971, à Belleville. Scénographe, constructeur lumière, il est aussi à l’aise avec le théâtre de rue, les circassiens, qu’avec le théâtre contemporain. II a travaillé avec la compagnie Derezo, Virginie Deville, Sophie Buis, Le Quatuor Caliente, les Sea-Girls, Olivier Tchang-Tchong, Cirque Balafon. Le perdita ensemble lui doit notamment la scénographie incroyable d’Icône, à la piscine de Saint-Ouen, et celle de La Tour.

 

 

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23 janvier 2011 7 23 /01 /janvier /2011 03:43

Les représentations au théâtre de la Bastille sont à mes yeux un accomplissement. Anne-Lise Heimburger et Fabien Orcier sont allés encore plus loin dans leur art. Il y à la quelque chose que j'ai longtemps cherché au théâtre, et j'en suis particulièrement fier.

Voici quelques réactions sur des blogs, et j'en remercie leurs auteurs.

http://allegrotheatre.blogspot.com/2009/04/idntite-de-gerard-watkins.html

 www.lestroiscoups.com/article-identite-de-gerard-watkins-critique-de-marie- tikova-theatre-de-la-bastille-a-paris-65281690.html

link

link

http://www.lejdd.fr/Culture/Theatre/Actualite/La-piece-i-Identite-i-au-theatre-de-la-Bastille-256965/

http://www.evene.fr/culture/agenda/identite-30888.php

 

Et voici un interview que je trouve intéressant, puisque ces questions m'ont été posées par des doctorants en Droit, à Grenoble. Qui ont cherché à tisser des liens entre le l'art et le droit. J'ai été touché par la pertinence des questions.

 

 

IDENTITE

Entretien avec Gérard Watkins

 

 

1) Pourriez-vous vous présenter en quelques mots : comment êtes vous venu à l'écriture et à la mise en scène?

 

Je faisais du théâtre au Lycée. À 15 ans, on m’a demandé de mettre en scène une pièce en un acte. Je ne trouvais rien qui résonnait avec mon époque. J’en ai écrit une.

 

CHOIX ARTISTIQUES – ESTHÉTIQUES :

 

2) Pourquoi avoir intitulé votre pièce "Identité"? "Identité" au singulier ? Y a-t-il une référence directe au Ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ?

 

Non. Ce titre est venu comme ça.  Le mot revenait souvent dans le texte. J’aime les titres courts, laconiques. C’est au singulier parce qu’au pluriel, ça raconte trop de choses. C’est trop un commentaire. C’est plus objectif, au singulier.

 

3) Il s'agit d'une mise en scène très épurée (pas de changement de lieu, de décor, pas de noir entre les scènes...) qui peut dérouter le spectateur. En quoi une telle mise en scène, moins classique, sert-elle mieux votre propos ? Pourquoi ce choix-là ?

 

Je pense que l’oeil et l’ouie, et, par prolongement, les sens et l’intelligence sont devenus incroyablement formatés par les médias et par la société du spectacle. Au théâtre, c’est à peu près pareil. Beaucoup de spectacles se ressemblent et obéissent à des règles quasi télévisuels. Il est absolument essentiel, et je pense que c’est là l’acte le plus politique, de casser ses habitudes et de réapprendre à donner, à écouter, et à voir. Et que cet apprentissage soit réciproque avec le public. Il n’y avait aucune raison de faire quoique ce soit comme effet entre les scènes. Le rapport au temps est pris en charge dans le texte. Je n’en ai donc pas fait. J’adore l’idée qu’il n’y a aucune alternative que les acteurs.

 

4) Pourquoi situer l'histoire dans un temps qui semble suspendu : une nuit blanche et dans un endroit sans grande identité, ambigüe (un salon? une chambre?). Ce lieu semble d'ailleurs être une pièce d'intérieure, d'une maison mais plus on avance dans l'histoire, plus il fait penser à d'autres lieux connus : une chambre d'hôpital, un hall d'attente... 

 

Je travaille d’une manière très concrète et réelle avec les acteurs. J’ai donc besoin d’un contraste avec le lieu où ils se trouvent. Vous répondez partiellement à la question. C’est précisémment pour qu’on y voit un hall d’attente, une chambre d’hopital et pourquoi pas un train. J’aime l’idée que cette terre est un lieu de passage. Rien d’autre. Qu’on a à peine le temps de s’y installer. C’est pourquoi il n’y a pas de table ni de chaise. Rien qui puisse influencer le corps, en fait. Ces déplacements sont aussi permis et rendus possibles par le jeu intérieur des acteurs.

 

5) Quel est le rôle du public dans une telle mise en scène ? dans quel état d'esprit aimeriez-vous qu'il sorte de votre représentation ?

 

Le public est actif. Il doit rêver, recoller les morceaux. Et travailler sur des résonances. Faire de cette problématique la sienne. Celle de sa vie. De ses compromis. De ses espoirs. Il doit se positionner. La distanciation brechtienne, c’est ça, c’est tout simplement rendre le monde transformable. J’aime bien qu’il soit touché, surtout. Toucher, c’est sensuel et émotif. Je ne suis pas d’accord que les emotions empechent la reflexion. Je trouve cette idée aberrante en fait. Les emotions constituent l’intelligence.

 

6) Pourquoi avoir choisit un couple ? D'où vous est venu l'idée de ces personnages? De leur psychologie? 

 

J’ai toujours voulu écrire un face à face entre un couple. Je crois que je promène ce couple intérieurement depuis un quart de siècle. Et qu’ils sont sortis comme ça un bel été, et qu’ils s’appelaient Marion et André et. Mais si je me souviens bien, ils se sont toujours appelés André et Marion. Leur psychologie? De la mienne, je pense. Comme tout auteur dramatique, je me divise en personnages, et je fais des allers-retours entre eux.

 

7) Marion et André Klein ne se connaissent pas finalement. Lui le dit explicitement à la fin de la pièce, et on le devine lorsque, par exemple, il lui demande de remplir sa date de naissance (début de l'identité ?) alors qu'il a rempli le reste du formulaire à sa place. On en vient presque à douter qu'il s'agisse d'un couple…

 

La prochaine fois que vous croisez un couple, observez les bien! Il y a un cri dans le spectacle, un seul. Pas vraiment un cri. Une réplique où on élève la voix. C’est “Je ne sais pas qui tu es.” Pour moi, les rapports amoureux sont comme une danse autour d’un gouffre. Il y a une phrase que vous n’avez pas relevé et qui pour moi raconte ça. “Ils n’ont rien remarqué de mon état. C’est ça l’amour.” Le theme de l’amour a pour moi toujours mené à celui de l’étranger. C’est à cet endroit où le politique et l’intime fusent avec ferveur.

 

 

8) Quelles sont les références artistiques qui vous ont porté dans l'écriture et la mise en scène d'Identité ? (Dogme 95, Osborne, Kane)

 

Elles sont nombreuses. Kane, Pinter, Noren, Rodin, Camille Claudel, Mike Leigh, Joseph Losey, Gus Van Sandt, Sarraute, Bergmann. Ce sont des artistes qui me touchent et me traversent constamment.

 

 

9) Pourquoi en pas avoir choisi des acteurs étrangers ? Cela aurait-il changé la portée de la pièce ?

 

Des acteurs etrangers pour jouer Marion et Andre? Ou écrire des roles pour des etrangers?

Je répondrais a la seconde parce que d’après moi, on ne peut pas répondre à la première. Nous sommes tous des étrangers. Pour la seconde, le propos de la pièce était justement de poser les questions posées à des étrangers à des Européens. D’inverser le processus. Fermer les frontières, et vous verrez comment la chasse à l’étranger prendra toute son ampleur. On en trouvera toujours. On en inventera toujours. On ne peut pas s’en empêcher.

 

PORTEE POLITIQUE

 

10) Le théâtre a-t-il, selon vous, la possibilité d’influencer et de faire progresser le droit des étrangers ?

 

Bien sûr. En fait, je crois que la réponse poétique, ou plutôt la riposte, puisque la poésie en soi ne peut pas apporter de réponse, est essentiel. D’autant plus que je crois que les gens en ont particulièrement marre des discours bradés, galvaudés, vides et creux. Les actes sont très bien aussi. Poésie et actes. C’est un beau mélange.

 

 

11) Vous avez expliqué que l'une des motivations de cette pièce a été la révolte que vous avez ressentie à l'encontre de l'amendement Mariani qui vise à durcir les conditions du regroupement familial. Cet amendement autorise notamment les tests ADN dans certains cas (il offre aussi la possibilité de renvoyer des personnes malades dans leur pays). Cet amendement a d'ailleurs suscité beaucoup de réactions d'indignation ("touche pas à mon ADN"), considéré comme un texte raciste. Dans votre pièce, vous faites un parallèle implicite entre ce texte et les lois édictées contre les juifs pendant la guerre. N'est-ce pas un rapprochement exagéré (comme le dit André Klein, pour les juifs, il s'agit d'une extermination)? ou bien cela relève-t-il vraiment de la même logique selon vous ?

 

Ce n’est pas un effet de la loi Godwin! Je ne fais pas un parallele, puisque dans la piece, il ne s’agit pas explicitement de l’amendement Mariani. Ce que l’on voit est inventé. Est une licence poétique. Je veux dire que je ne me permettrais jamais au théâtre quelque chose de grossier comme ça. Par contre, on entend une logique. Une logique qui se fraye un chemin. Et oui, la logique des gens qui écrivent des lois comme celle dans Lopssi 2 qui va permettre d’expulser des gens qui vivent dans des yourtes dans le Larzac ou les Cevennes, et de leur coller une amende, répond à la même logique. La même logique de pensée. Les actes ne sont évidemment pas comparable, mais la logique de la pensée est malade, même si elle n’est pas aussi malade. Ce sont des fonctionnaires tout à fait dangereux, qui poussent en ce moment les gens à bouts, car en poussant les gens à bout comme ils font quotidiennement, ils peuvent rallumer, entretenir les tensions, et en rallumant les tensions, on peut a nouveau écrire d’autres lois, plus dure encore. Raviver la peur de l’étranger, mais surtout de l’étranger qui vit en nous. Celle qui refuse les lois, disons, qui formattent. Ces lois sont pathétiques de bétise, hysteriques de peur, et traduisent une lâcheté qui fait honte. Non, bien sûr il ne s’agit pas d’un génocide. Mais ce sont les mêmes mécanismes qui provoquent des génocides. Ou plutot qui provoquent une régression telle dans les rapports humains qu’elles pourraient éventuellement mener à des génocides.

 

11) La France n’est pas le seul Etat à avoir pris des mesures en ce sens (12 ou 13 autres Etats) pour contrôler l’arrivée des étrangers et le regroupement familial. Peut-on parler d’un ciblage des étrangers, et de certains étrangers plus que d’autres ?

 

Oui. L’Europe va très mal. La xénophobie est de plus en plus présente. Elle augmente. On a parfois l’impression que ces lois sont là pour calmer la montée en puissance des extrémistes de droite. Mais comme ce ne sont pas vraiment les étrangers qui provoquent la rage des extrémistes, ce ne sont pas les étrangers qui ferment des usines, augmentent les loyers, et nivellent les acquis sociaux. Certains bleds en France avec des taux de Front National élevés ont de faibles populations d’immigrés.  Oui, on peut parler d’un ciblage. Oui, on peut parler de racisme. Oui on peut aussi parler de regréssion. C’est un vrai problème. En même temps c'est un véritable trouble identitaire, et on ne peut pas mettre ça entièrement sur le dos du libéralisme, puisque le problème est nettement moins présent aux USA. C'est complexe, l'origine des xénophobies et des forteresses. Les médias n'arrangent rien et jettent constamment de l'huile sur le feu.

 

12) Vous tordez l'histoire en évoquant la Rafle du Vel d'Hiv et en faisant écho à l'amendement Mariani et mettez sur un même plan des réalités différentes. Pourquoi faire des anachronismes, retour en arrière : pour provoquer? établir des liens logiques ? créer un espace hors temps ?

 

Une fois de plus, je n’évoque pas l’amendement Mariani dans la pièce. Et il n’y a pas d’anachronismes. Marion Klein évoque des recherches à la bibliotheque municipale. Il n’ y pas torsion d’histoire. Il y a une torsion de l’univers dans lequel nous évoluons. Parce que j’estime que cet univers subit lui même une torsion. On nous y fait croire à des fictions. (Fatalité libérale, peur de crises économiques mondiales, scénarios catastrophes, etc.…) Pour moi l’histoire est en nous. Elle jaillit constamment. Nous vivons actuellement une période totalement amnésique par rapport à elle. Nous n’osons pas, de par les traumatismes passés, y chercher du sens. Cet espace hors-temps éxiste donc en nous. J’aimerais bien travailler un jour là-dessus. Sur cette présence. Je trouve cela intéressant que vous l’ayez ressenti.  

 

12) Vos personnages sont confrontés à un choix personnel qui va, selon leur décision, les intégrer ou les écarter de la société : André Klein accepte sa logique, Marion Klein la refuse. Peu d'artistes acceptent le terme d' "artiste engagé". En mettant en scène une question de politique actuelle comme celle-ci, tout en rappelant des évènements politiques passés, (bien qu'il ne faille pas, bien sûr, s'arrêter à cette seule dimension-là dans votre pièce), faites-vous preuve d'engagement ?

 

Je suis un artiste engagé. Engagé dans une vision du monde et dans le désir d’en faire mon art. Engagé dans ma croyance que les poètes voient des choses. Et que la politique fait partie de ces choses. Et que mes textes en sont donc emprunt. L’art moderne d’après moi contient un effet d’immédiateté. Regardez la vitalité des artistes plasticiens chinois. J’ai toujours rêvé d’être la contradiction vivante de certaines personnes, disons de la génération précédente, pour qui théâtre et politique sont inconciliables. C’est un très vieux débat avec le théâtre Français. Pourtant, le théâtre politique anglo-saxon ou plutôt leur théâtre social ne me convient pas pour autant, car je le trouve trop télévisuel. Cette époque va mal. C’est pourquoi je suis engagé.   Il y a un bras de fer nécessaire avec ce qui se prépare. Ca me paraît évident.. Parce qu’elle est engluée, ne décolle pas, et provoque plus de peine que de joie.

 

13) La France est-elle un pays intégrationniste ?

 

J'ai l'impression que je ne suis pas très bien placé pour répondre à cette question.  Il faut clairement la poser à la population immigrée, ou issus d'immigrés. La société de consommation est intégrationniste, mais ça c'est un autre débat. 

 

 

REFLEXIONS SUR LA SOCIETE (en général)

 

14) Nous suivons l'histoire, à un moment précis, de vos deux personnages Marion et André Klein, qui est intime, mais il plane toujours en fond les contraintes de la société, ses aberrations, sa dureté. Un mélange inextricable entre l'intime et le collectif. Marion et André sont-ils des naufragés de notre société ? Un couple normal broyé par elle ? Qui n'existent plus l'un par rapport à l'autre mais selon les règles qui leur sont imposées ?

 

Je ne pense pas qu’ils en soient là. J’aurais alors écris un couple normal, dans ce cas là, qui parlerai de crédit immobilier, d’abonnement Adsl, de promotion dans leur travail, et de la performance scolaire de leurs enfants à l’école. J’ai tenu à ce que Marion et André soient socialement indéfinissables, universels. Leur précarité à un registre assez large. Leur marginalité, aussi. Notre présence dans ce monde est impossible sans marginalité. Marion et André ont une manière de surfer sur le rien, sur le vide. Ce qu’ils nomment et identifient de leur entourage social est une comédie un peu pathétique. Petit à petit, ils s’acclimatent. Ils baissent leur garde. Je ne dirais pas qu’ils sont broyés par la société. Je dirais que leur défenses se délitent, et qu’ils n’ont plus aucun repère. Que leurs choix leur font mal. Quand on voit quelqu’un plonger dans son entourage, c’est souvent ça. Ce monde est intenable, sans défenses. À force de regarder une société qui part en vrille, on part en vrille soi-même.

 

15) Dans un premier degré de lecture de la pièce, on peut aussi entendre l'identité comme celle de l'appartenance à une famille. Dans la pièce se juxtapose finalement deux identités: celle de l'intime, de l'histoire personnelle et celle qui relève de l'identité officielle, administrative. Est-ce une façon de dire que la sphère publique, étatique tend à s'insinuer de plus en plus dans la sphère privée? Avec le RSA par exemple, les demandeurs doivent renseigner des champs très personnel (travail au noir par exemple) pour un contrôle accru. Comment voyez-vous cette frontière entre privé et public aujourd'hui au regard des politiques menées mais aussi de l'évolution de la société "de l'information" (usage des TIC) ?

 

J’y vois la fin de l’innocence. J’y vois la fin des libertés. Je nous vois tous chassés du Jardin d’Eden. Je vois qu’un couple vient de sefaire détruire une yourte dans laquelle ils vivaient, parce que Lopssi 2 l’interdit. Je vois 4000 caméras qui vont etre posées dans les rues de Grenoble. L’intimité, et notamment l’intimité que représente la famille, qui est bel et bien la source, le foyer de l’intimité, est pour moi sacré. C’est vraiment ce qui ma le plus révolté dans l’amendement Mariani. J’entends aussi par intimité le libre arbitre. Ou je décide de vivre. Comment je décide de vivre. Etc.

 

16) L'histoire de ces personnages est assez floue. Le public imagine leur passé, guidé par les quelques indices qu'il a pu glaner. Le questionnaire lu par les personnages donne aussi à penser sur le passé des personnages. On se demande finalement comment ils ont pu arriver dans cette pièce. Ce brouillage des pistes, du temps, nous invite à réfléchir sur la mémoire. Comment percevez-vous notre rapport au temps, au passé, à la mémoire collective et individuelle?

 

Exactement comme ça, flou. Je commence toujours à écrire en imaginant un objectif. Il faut faire le point. Ca met du temps. La mémoire, notre mémoire, est constamment prise d’assaut. J’ai ce rapport-là au monde, en fait. Mais je n’ai pas cherché à brouiller les pistes volontairement. Juste à être radicalement honnête avec ce qu’ils ont à se dire. Ce qui explique qu’il n’y a pas comme il peut y avoir dans un certain théâtre de scènes d’expositions. Je pense que l’écriture a toujours à voir avec la mémoire et avec le temps. Et la circulation d’un personnage à l’autre a a voir avec celle qui se tend entre la mémoire intime et la mémoire collective. Les fables tissées aussi ont à voir avec une tension entre les deux. C’est ça qui génère mes fictions, en fait. La mise en scène est le prolongement de cet acte. Je suis obsédé par le temps.

 

17) Votre personnage semble obsédé par l'argent, l'argent quel qu'en soit le prix. Est-ce notre crédo aujourd'hui ?

 

Il n’est pas si obsédé par l’argent que ça. Il n’a juste pas le choix. Là ou ils en sont, son choix, c’est ça, ou l’exclusion définitive. On ne lui demande pas de tuer quelqu’un, de faire du mal. Juste d’ouvrir son intimité. Juste de se détruire soi meme, en fait. Se détruire, et détruire son bonheur. Je ne pense pas qu’André ferait du mal a autrui pour de l’argent. Je crois qu’il y a en lui une force qui veut a tout prix déballer son intimité, de par l’histoire trouble de sa famille. Je pense que ce sont en fait ses vraies motivations. Un lourd héritage familial. Même son rapport a l’argent est une forme d’héritage familial. Marion, elle est obsédé par l’argent en tant qu’abstraction. Pour elle, il s’agit d’une oeuvre abstraite, d’un corps étranger. Notre rapport a l’argent aujourd’hui est devenu assez pathétique. Il est constitué par un rapport constant à la frustration. On parle constemment de pouvoir d’achat. Même les Socialistes en font leur cheval de bataille. Depuis l’Euro, au-delà de la nostalgie du franc, et qu’il creuse en nous un rapport a la mémoire et à l’oubli, il est teinté d’un rapport au vertige, à la vitesse, au sentiment qu’il finira par nous écraser tant il aura perdu contrôle.

 

18) Juridiquement, il faut des critères permettant d'associer une nationalité à des droits et des devoirs. Quels droits avons-nous encore si l'on observe vos personnages ? Celui d'accepter les règles ou de mourir, c'est-à-dire de sortir du système ?

 

Je ne comprends pas le principe qui constitue a associer des droits et des devoirs à une nationalité. Les droits et les devoirs pour moi sont associés au fait de rejoindre le cercle des humains. Comprenez moi bien. Je suis très légaliste. Les lois sont essentielles, et je les respecte. J’essaye de me dire chaque jour qu’elles nous font plus de bien que de mal. Je préfère les lois telles qu’elles sont votes en Hollande, par exemple, ou une des dernières lois passées consiste a autoriser de faire l’amour dans les parc publics. Comme l’acte existe,  ils se sentent en empathie pour le déviant, qui vie une double vie, a une famille, et retrouve parfois d’autres hommes dans les bosquets. Ils ne l’encouragent pas, par cette loi. Ils le comprennent, et le protégent. En France, où tout le monde est occupé a regarder et si possible dénoncer son voisin, on a plus le réflexe de “et si tout le monde faisait comme eux!” J’ai l’impression qu’en parlant d’identité nationale, les Français sont passionnés par les lois, qu’ils s’en inventeraient eux mêmes si il n’y avait pas de système juridique. Le clivage avec les banlieus vient principalement de ça. Ils ne comprennent pas que d’autres lois éxistent ailleurs. Les lois sont déjà identitaires. On s'approprie une loi des qu’elle est formulée. Le pont avec mes personages se fait à cet endroit là. Puisque le theater est l’art de l’humain et de ses abimes. Un florilege de ses abimes. Et l’excluison est une machine de guerre de plus en plus radicale violente et fulgurente. Chez les jeunes, l’exclusion se pratique de plus en plus tot. Le passage a l’age adulte est un acte de plus en plus difficile.

 

19) Pensez-vous que l'on peut définir une identité française de façon administrative? Pourquoi vouloir le faire ?

 

La définition existe déjà, administrativement. Elle a été écrite, il y a 222 ans. Liberté, égalité, fraternité. C’est vraiment ironique que les les débats mis en place, et les nouvelles lois, racontent l’inverse. L’inverse, inverser les sens les valeurs, ce à quoi s’atèle avec ferveur les institutions, fait partie des perversions dont parle Marion Klein.

 

20) Si on replace le débat français sur l'identité dans un contexte de mondialisation, la question de critères identitaires devient de plus en plus absurde. Parler de cela n'est-ce pas un moyen de prendre conscience qu'on ne peut pas définir une identité, de dépasser le clivage entre chacun et finalement de chercher ce qui nous relie ?

 

J’aime beaucoup cette question. Evidemment. Chercher ce qui nous relie, ce qui nous émeut en l’autre, ce qui nous reveille, comment il a fabrique l’objet qu’on tient dans la main, comment il a récolté le légume qu’on jette à la fin du repas, comment il a appelé son dernier né, pourquoi le temple est orienté au nord, il y a tellement de questions à poser qui ouvrirait nos esprits et nous feraient vivre dans un monde meilleur. La banalité et la stupidité du débat sur l’identité nationale est a frissonner dans le dos.

 

21) Y a-t-il aujourd’hui une citoyenneté de l’Union européenne, qui rendrait absurde toutes ces mesures sur le contrôle de l’immigration ?

Et une citoyenneté mondiale ? Est-ce envisageable ?

 

Je ne comprends pas bien le sens de cette question. La citoyenneté européenne ne rend pas absurde les contrôles de l’immigration puisqu’elle en impose des plus dures et plus restrictives chaque année. La deuxième question me rappelle une très belle chanson de John Lennon ! Pour y répondre plus sérieusement : Je ne sais pas.

 

22) L’Europe n’est elle pas en perte de vitesse dans sa conception du modèle familial, et donc du regroupement familial, par rapport au reste du monde ?

 

Oui. Le formatage obsède tout le monde. Mais ne satisfait personne.

 

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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 09:34

 

 

 

IDENTITE


Texte et mise en scène de Gérard Watkins


Avec Anne-Lise Heimburger et Fabien Orcier


Scénographie de Michel Gueldry


Administration de production de Sylvia Mammano


Diffusion de Judith Martin

 


GRAND PRIX DE LITTERATURE DRAMATIQUE 2010


Tournée 2010 / 2011


Du 8 au 11 décembre 2010 – MC2, Grenoble

 Du 15 au 17 décembre 2010 – CDN de Besançon

 Le 18 décembre 2010 – Kulturtäter, Bienne (Suisse)

Du 10 janvier au 11 février 2011 – Théâtre de la Bastille, Paris

 Le 22 Février 2010 – Panta Théâtre, Caen.

Du 15 au 25 mars 2011 – Théâtre Garonne, Toulouse

Du 18 au 22 avril 2011 – Théâtre Les Ateliers, Lyon

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